Le 31 janvier 2013, des élèves d’un athénée bruxellois de renom passent leur temps de midi dans un parc aux abords de leur école. Des policiers arrivent : fouille corporelle pour tout le monde, fouille des sacs à dos, intimidations. Bilan : 3 arrestations et des jeunes très choqués, voire traumatisés. Le Comité des Élèves Francophones (CEF) s’interroge sur l’impact de ce type d’intervention.
À partir de cet évènement, la réflexion sur les rapports entre l’école et la police a commencé au sein du CEF. Nos membres se sont interrogés sur la légalité de ce genre de descentes et sur l’attitude de certains policiers envers les jeunes. Si la violence physique n’a pas été de mise dans ce cas-ci, l’intimidation et la violence verbale étaient de la partie.
Nous avons alors organisé plusieurs débats avec nos membres, qu’ils soient de cette école bruxelloise ou non, afin de discuter sur la manière dont ils voulaient interpeler l’opinion publique. Nous avons rejoint d’autres associations dans l’organisation d’une manifestation contre les violences policières à laquelle nous participons d’ailleurs chaque année. Quelques jours avant cette manifestation, nous nous sommes réunis pour créer panneaux, calicots et chansons pour le jour J. À la manifestation, une trentaine de nos membres étaient présents au milieu du millier de manifestants.
En préparant cette manifestation, nos membres ont appris à créer des slogans courts et percutants qui résument bien leurs sentiments mais aussi à se fédérer autour d’idées. Cela leur a permis également de canaliser leur colère et leur incompréhension pour en faire quelque chose de pacifique et constructif.
Depuis cet évènement, nous sommes régulièrement mis au courant de descentes similaires et nous continuons à nous interroger sur les rapports qu’entre- tiennent les écoles et la police. Nous pointerons ici trois questions que nous nous posons à ce sujet mais il y en a certainement beaucoup d’autres…
Disons-le en préalable, lorsque c’est nécessaire, la police doit pouvoir faire son boulot de police : empêcher des activités illégales, garantir la sécurité des personnes. Mais les témoignages que nous recevons des élèves tendent plutôt à montrer que, générale- ment, c’est un autre rôle qu’on lui fait jouer dans l’école. Et pour nous, ce n’est pas le sien.
Nous constatons que les descentes de police dans les écoles ont souvent un lien avec des problèmes (réels ou supposés) de drogues. Fréquemment, on apprend qu’elles ont eu lieu à la demande du chef d’établissement.
Sans doute dans l’espoir de rassurer les parents et de montrer que l’école se saisit de ces problèmes à bras-le-corps, tout en réaffirmant l’importance d’une discipline de fer via l’intervention policière et l’imaginaire sécuritaire qu’elle accompagne.
Pour le CEF, ce constat pose un premier type de questionnement : si un établissement connaît des problèmes liés à l’usage de drogues, pourquoi ne fait-il pas plutôt appel aux professionnels de la santé pour les résoudre ?
Pourquoi ne met-il pas en place des projets dans l’école, avec des intervenants compétents en la matière, pour aborder et travailler la question des assuétudes (quelles qu’elles soient) avec les élèves, pour démonter les mécanismes, agir sur les causes, améliorer le bien-être des élèves à l’école… ? Cela entre pourtant dans la mission éducative de l’école. Pas dans celle répressive de la police…
La deuxième question qui se pose dans ces rapports entre l’école et la police est, pour nous, celle du fonctionnement même de l’école. Lorsque nous plaidons pour une participation plus grande des élèves et pour renforcer leur rôle dans l’école, c’est parce que nous sommes convaincus que c’est à l’avantage même du système scolaire que les élèves en soient des « acteurs actifs » à part entière et pas seulement des « consommateurs passifs ».
L’école a encore de gros efforts à faire en la matière et il est urgent qu’une véritable culture de la participation s’y installe enfin. La participation des élèves est indissociable de la citoyenneté, notion dont on entend beaucoup parler ces derniers temps. Pour nous, si la citoyenneté
doit s’apprendre à l’école elle doit aussi s’y vivre et s’y exercer au quotidien. Faire appel à la police dans l’école de manière abusive est
un signe terriblement contradictoire pour ces élèves à qui on démontre que la seule solution à un problème est la démonstration de force, au sens premier du terme, empêchant ainsi toute possibilité d’expression, de débat, de questionnement, de remise en question…
Comment, lorsqu’un tel évènement se produit, peut-on sérieusement espérer que les relations des élèves avec leur école, leurs pro- fesseurs, leurs directions soient calmes, apaisées, respectueuses si l’exemple qui vient d’en haut ne l’est pas ?
Et cela va de pair avec notre troisième et dernière question. Souvent, lorsque les policiers investissent l’école, pourquoi cela se fait-il en oubliant un gros « détail » : les élèves, lorsqu’ils sont à l’école ou en dehors, ont des droits qu’il convient de respecter comme n’importe quel citoyen. Procéder à des fouilles abusives, à des privations de liberté sans fondement, à des intimidations, non tout n’est pas permis !
Il arrive que les écoles profitent de leur relation d’autorité envers les élèves, normalisant ainsi des choses qui ne le sont pas du tout. Pour le CEF, il est primordial de faire enfin prendre conscience aux élèves (ainsi qu’à leurs parents et à toute la communauté éducative) qu’ils ont des droits qui doivent être respectés. Et il nous semble que l’école est le lieu qui doit, plus que les autres peut-être, être garant de ce respect.