En matière de santé publique, la prévention reste le parent pauvre. C’est vrai symboliquement, mais c’est tout aussi vrai budgétairement : selon Eurostat, la prévention ne représente en effet que 2,8% de l’ensemble des dépenses en soins de santé au sein de l’Union européenne. Et la situation est encore pire en Belgique puisque le chiffre y est de 1,7 % (soit une somme annuelle ridiculement basse de 69 euros par habitant). Le paradoxe veut que ce parent pauvre pourrait… nous enrichir considérablement. Ainsi une étude américaine évalue à 18 pour 1 le rapport entre chaque dollar de budget dépensé dans la généralisation des programmes de prévention scolaire et les économies à long terme qui pourraient découler de cet investissement (voir la rubrique Chiffres de ce numéro).
Dictées par l’urgence, le nez perpétuellement dans le guidon, les politiques publiques agissent bien trop souvent en aval d’une situation dont la survenue aurait pu être évitée à des coûts nettement moindres en amont. Dans la situation de crise économique qui est la nôtre, et qui ne risque pas de s’améliorer de sitôt, cette forme de myopie institutionnelle relève, si pas de la non-assistance à personne en danger, du moins de la mise en danger de la vie d’autrui par défaut de prévoyance.
Le constat est d’autant plus accablant que l’efficacité des programmes de prévention ne s’appuie pas sur les seules déclarations de celles et ceux qui les mettent en œuvre : elle a fait l’objet de nombreuses évaluations scientifiques recourant à des groupes témoins pour mesurer les effets différentiels à court et long termes des différentes interventions. Fortement promus par l’Organisation mondiale de la santé, ces programmes s’inspirent de plus en plus souvent du concept de compétences psychosociales, dont le développement a des effets scientifiquement validés, non seulement en termes de consommations problématiques, mais aussi de conduites violentes, et plus largement, de santé mentale.
En France, le Plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 a décidé de placer le renforcement de ces compétences psychosociales parmi ses priorités d’action, ce qui implique notamment la généralisation sur l’ensemble du territoire de programmes validés (tels que le Good Behaviour Game ou Unplugged). En attendant – en espérant ? – que la Wallonie et Bruxelles suivent cet exemple, les secteurs de la Prévention et de la Promotion de la santé seraient bien inspirés d’entamer dès aujourd’hui une réflexion collective sur la manière de développer de tels projets sans tomber dans le travers d’un technocratisme reposant sur des solutions clé sur porte ou des méthodes one-size-fits-all, qui feraient fi de la diversité des bénéficiaires et de leurs besoins.