Désobéissance et violences des jeunes à l’école. Quelles pistes ?

décembre 2019

Désordre, désobéissance, violence… Les acteurs scolaires qui y sont confrontés reçoivent bien souvent le conseil de rechercher la réparation. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Par ailleurs, la prévention des violences en milieu scolaire n’est possible qu’en agissant sur le bien être de l’équipe.

CHASSER LES MYTHES PÉDAGOGIQUES (1)

  • Si un jeune le veut vraiment, il peut bien se comporter !
    Cette croyance ne tient pas compte du problème d’attachement, du développement des compétences sociales ou des violences que vit le jeune. Ceux-ci influencent bien plus son comportement qu’une « bonne volonté ».
  • Lorsque la punition ne fonctionne pas, il faut punir plus fort !
    Cette stratégie est inefficace avec des jeunes agressifs, avec lesquels elle entraîne un cycle de coercition et d’escalade.
  • Les jeunes diagnostiqués TDAH sont victimes de leur maladie. Les problèmes de comportement se résolvent grâce à la médication.
    Ce raisonnement a pour défaut de se concentrer sur un élément de la vie du jeune, éclipsant la complexité de ce que vivent le jeune, ses pairs et les intervenants qui l’encadrent.

Pourquoi l’exclusion temporaire ou définitive, sanction peu opérante, reste si utilisée ?

« Du côté des établissements, l’exclusion temporaire fait très fréquemment figure de moyen de gestion interne, voire de levier possible dans les modes de gouvernance. Elle révèle une exigence de crédibilité de la part des équipes (…) dans leur capacité à apporter une réponse concrète à un problème sinon insoluble. La réponse « éducative » leur apparaît non seulement insuffisante, mais aussi compromise par son manque d’efficacité supposée et l’on retrouve là une forme de mise en ordre (…). L’exclusion temporaire est donc d’abord un outil de régulation interne dans un contexte où la multiplication des incidents scolaires affaiblit les enseignants dans leur légitimité professionnelle, et nécessite des recours symboliques de restauration de leur autorité. »

Moignard Benjamin et Rubi Stéphanie, « Des dispositifs pour les élèves perturbateurs : les collèges à l’heure de la sous-traitance ? », in Carrefours de l’éducation, n° 36, novembre 2013, p. 54.

RÉAGIR

Du bonnet d’âne au « recopier 100 fois », la punition consiste toujours en l’expression d’un pouvoir et d’une puissance de l’institution scolaire, là où la sanction viserait à confronter l’élève à la réalité qui l’entoure. Quels dégâts a-t-il causé et comment peut-il les réparer ? L’élève est en dette, et l’école agit comme lieu d’exercice, de révision et d’hospitalité.

La sanction suppose un cadre objectivé et compris des élèves, une écoute active de la part d’un adulte qui ne cherche pas à être apprécié mais fait alliance. D’autres balises permettent son application :

  • la sanction s’adresse à un individu, sur des faits précis et identifiés ;
  • elle est la privation d’un droit pendant une période définie, toujours limitée dans le temps 2;
  • elle est réparatoire;
  • elle est tournée vers l’avenir, visant l’apprentissage et la non réitération du problème.

Ainsi, une mise à l’écart peut être nécessaire, mais elle vise à ce que l’élève cesse son comportement et retrouve son calme, « se retrouve ».

Les conditions du retour sont établies. La réparation, elle, vise la compréhension et la reconnaissance du tort. Elle nécessite un consentement du fautif ; un accompagnement ; une « compensation » proposée par le fautif et estimée suffisante, notamment par la victime. Elle crée du dialogue.

Quelques principes

  • Nul ne peut être juge et partie.
  • Il est salutaire de différer le moment de la sanction pour calmer les émotions relatives à l’événement.
  • Le système de sanctions en classe doit être connu de tous.
  • Les sanctions gagnent du sens si elles sont graduées, proportionnelles à l’acte, contextualisées et conscientisées.

OÙ AGIR ?

Une action durable sur les transgressions au sein d’une école nécessite aussi de les replacer dans le contexte général de l’école, et d’agir sur celui-ci.

Sur la cohésion des équipes adultes
C’est un des meilleurs facteurs de protection  pour le personnel et les jeunes : « le crime, l’agression, la violence ont besoin d’une situation favorable pour se produire, avec le minimum de risques pour l’agresseur – qui dans la plupart des cas n’a pas envie de faire face à des conséquences négatives (pour lui). (…) Les victimes sont plutôt des individus isolés, sans protection suffisante. (…) C’est dans les écoles où le travail en équipe est très faible que le risque d’agression contre les adultes est le plus fort 3. »

Le burn out et le turn over au sein des équipes sont donc des facteurs à risque : ils diluent la culture institutionnelle et fragilisent la cohésion d’équipe, en mouvance permanente.

Sur les règles
Leur clarté et la récurrence de leur application aident chacun à comprendre l’institution et à s’y adapter : le manque de clarté et les différences d’application des règles d’une classe à l’autre, d’un membre du personnel à l’autre, créent un sentiment d’injustice.

Sur le climat institutionnel
Son amélioration est fondamentale. Une équipe gagne à interroger son système punitif, le sens de la sanction et à viser des sanctions réparatrices plutôt que vengeresses.

  1. Pour en savoir plus, Debarbieux Eric (dir.), L’école face à la violence. Décrire, expliquer, agir, Armand Colin, 2016.
  2. Cela nécessite d’avoir défini les droits auxquels le respect des règles donne accès.
  3. Debarbieux Eric et Moignard Benjamin, « Climat scolaire, violence, harcèlement : ce que disent les élèves et les personnels », in Debarbieux Eric (dir.), L’école face à la violence. Décrire, expliquer, agir, Armand Colin, 2016, p. 46.