La vidéo, issue d’une émission de divertissement, a fait le tour de la toile. Une dizaine d’enfants se succèdent dans un faux casting pour une publicité de yaourts. Garçons et filles reçoivent la même consigne : avaler une cuillère du produit laitier, et s’extasier de son goût délicieux. Les enfants seront surpris, les yaourts sont particulièrement salés. Leurs réactions prêtent à sourire, mais elles ont aussi vite attiré l’attention des internautes. Tandis que les garçons grimacent ostensiblement, voire signalent le problème, les filles masquent au mieux leur étonnement et s’en tiennent à la consigne. Cette différence de comportements est d’ailleurs commentée par la production de l’émission : les filles sont des menteuses. Élégant. Des études confirment cette socialisation différenciée très précoce : alors que les petits garçons apprennent à affirmer leurs avis, les petites filles intériorisent très jeunes qu’on attend d’elles obéissance et discrétion.
Dans le numéro 83 de cette revue, Sylvie Ayral et Yves Raibaud listaient différentes statistiques effrayantes de la valorisation de la virilité chez les petits garçons : en France, 95% des sanctions scolaires concernent les garçons ; 96,5 % de la population pénitentiaire est masculine ; 69 % des tués en voiture sont des hommes ; 83,6 % des auteurs de crimes conjugaux sont des hommes; 80 % des personnes décédées par overdose sont des hommes. Le revers de la médaille de cette éducation différenciée ?
Voici plusieurs mois que les questions d’inégalités de genre occupent très fortement l’espace médiatique et public. Prospective Jeunesse s’est dès lors interrogé : quelle place donner à ces questions dans le secteur de la prévention ? Quelles analyses tirer des différences de taux de fréquentation entre hommes et femmes dans les dispositifs de réduction des risques et de soin ? Quelles masculinités encourager auprès des jeunes ? Devant l’étendue et la complexité des questions soulevées, nous avons décidé de consacrer deux numéros et un événement intitulés « Jeunes, genres et usages de drogues ». Le deuxième numéro sera d’ailleurs une compilation des différentes interventions de cette journée.
Ce premier numéro rassemble des contributions hétérogènes : l’interview-plaidoyer d’une ex-usagère devenue pair aidante, Samanta Borzi ; les résultats de la première enquête d’ampleur sur la consommation féminine de drogues en Belgique (Gen-STAR, Sarah Simonis) ; l’analyse de la production de normes genrées au tribunal pour enfants par Arthur Vuattoux. La promotion de la santé n’est pas en reste grâce à l’appel de Catherine Markstein pour une auto-santé des femmes. Manuel Dupuis et Pierre-Henri Mullier ont récolté les représentations des patients de leur centre de jour sur l’alcoolisme au masculin et au féminin. Enfin, Michaël Hogge attire notre attention sur le risque d’hyponatrémie en cas de consommation de MDMA et de fortes chaleurs, phénomène peu connu et auquel les femmes sont potentiellement plus sensibles que les hommes.
Bonne lecture !