Il y a un peu plus d’un an, dans les bureaux de Prospective Jeunesse, débarquent deux policiers avec une demande pour le moins inattendue : « On a besoin de votre aide. Une école ne cesse de nous demander de venir contrôler les élèves. Elle outrepasse leurs droits, les fouille, confisque leurs produits. Les gamins ont plein de questions, ils ne savent pas à qui les poser. On essaie d’être à leur écoute mais on est dépassés ». La Police se tournant vers la prévention pour rétablir l’ordre, une situation pour le moins originale mais symptomatique des limites du système répressif de la Belgique. Ces policiers ont bien compris que le problème de l’école ne réside pas tant dans la détention illégale de cannabis que dans le climat scolaire, plombé par une course perdue aux élèves modèles. Ils disent également combien leurs interventions pourraient compliquer la vie d’ados avec lesquels ils ont créé un lien et dans lesquels ils voient tout sauf des criminels en puissance. Sans le savoir, ils seraient de très bons ambassadeurs de la campagne Stop1921, à laquelle nous dédions ce numéro.
Stop1921 est une plateforme qui vise à rassembler différents acteurs de la société civile mais aussi à provoquer un débat public sur la loi « Drogues », qui tient son nom de l’année de sa promulgation. Presque centenaire, elle a dessiné dans notre imaginaire des ruelles sombres, des consommateurs perdus, des dealers sans foi ni loi. Ces représentations alimentent des peurs, des sentiments d’insécurité, des incompréhensions violentes face à des motivations à consommer qui ne se sont jamais taries dans l’histoire de l’humanité.
Depuis 1921, la consommation de produits psychotropes, licites ou non, s’est maintenue. Certains produits se sont banalisés. De nouveaux sont apparus. Les usagers sont restés dans la clandestinité. Quand ils ne l’étaient pas, ils ont connu des exclusions scolaires, des passages par la case prison. Enfin, certains. Pas tous. Pas tous les milieux.
Prospective Jeunesse a décidé de donner la parole à ceux et celles qui consomment, ainsi qu’à celles et ceux qui les accompagnent. Avant de discuter des modifications législatives, il nous semblait important de rendre visibles les effets de la loi de 1921, parfois brutaux, comme évoqués ci-dessus, parfois plus sournois. Les premiers et derniers articles aborderont le sens de ce stigmate dans notre société et la dimension éthique de ces mouvements qui appellent à changer la loi.
Merci à la Liaison antiprohibitionniste et à la Fedito bruxelloise pour leur contribution à la confection de ce numéro.
En espérant, chers lecteurs, chères lectrices, qu’il vous donne foi dans le combat politique au sens noble du terme : se battre pour faire société ensemble.