La consommation d’alcool possède une forte historicité dans nos sociétés. Nous pourrions même dire que l’alcool est notre drogue culturelle par excellence. Elle s’invite partout : dans les célébrations d’événements importants, dans les moments de détente entre amis, en famille, dans les fêtes étudiantes, etc. Bien que la consommation d’alcool ne soit pas un problème en soi, il est cependant important d’attirer l’attention sur le contexte, l’individu et l’usage qu’il en est fait. Celui-ci peut déraper vers une consommation problématique, occasionnelle ou régulière. On préférera, de ce fait, parler d’usage doux et d’usager dur.
L’analyse de la littérature nous montre que, plus les méfaits de la consommation excessive précoce d’alcool sur la santé sont mis en lumière, plus l’évolution des pratiques festives des jeunes inquiète. En outre, elle dévoile un rajeunissement des premières consommations, une féminisation des consommateurs, une plus grande recherche de l’ivresse et ce, de manière rapide, coïncidant à la banalisation, voire la valorisation, de la « cuite ». Autant de constats interpellent.
En réponse à ces différentes observations, le projet Drink Different a été initié en septembre 2013 par la Commission Communautaire Française et confié à l’asbl Modus Vivendi. Depuis sa création en 1994, elle a développé différents projets visant à réduire les risques liés à la consommation de drogues et ce, dans différents milieux de vie : Boule de neige, Dispositif d’accès au matériel stérile d’injection, Modus Fiesta, Equipe Mobile, Quality Nights… Le nouveau projet Drink different a, quant à lui, pour mission de réduire les risques liés à la surconsommation d’alcool en milieu étudiant bruxellois. Il s’inscrit directement dans une démarche de promotion de la santé telle que décrite dans la Charte d’Ottawa et place la participation des usagers comme « clés de voûte » de la méthodologie développée. Les individus sont donc acteurs du projet et participent activement à la co-construction des différentes étapes de ce dernier.
Quatre ans plus tard, le projet s’est implanté dans cinq établissements. Dans un premier temps, à la Haute-école Lucia de Brouckère, à l’Université Saint-Louis et à l’Université Libre de Bruxelles. Enfin, plus récemment, à la Haute-école Illia Prigogine et l’ISFSC. Cela a pu se concrétiser grâce à différentes collaborations fructueuses, ainsi que de nombreux partenariats, avec des réussites, mais aussi des ratés,… Profitons de cet anniversaire pour prendre un peu de recul, afin d’analyser le processus de mise en place du projet et d’identifier les leviers qui mènent à la réussite.
Le premier défi de toute nouvelle collaboration avec un établissement d’enseignement supérieur est d’intéresser les autorités et les membres du personnel afin qu’ils soient parties prenantes du projet. Pour ce faire, la méthodologie employée en promotion de la santé et plus spécifiquement en Réduction des Risques (RdR) préconise de débuter tout projet par la réalisation d’un diagnostic. Celui-ci se construit sur l’analyse de la situation via entretiens, enquêtes quantitatives et observations sur le terrain. Cette récolte d’informations (type de consommation, risques vécus, motivation à boire, mesures existantes,…) est appliquée pour chaque nouvel établissement. Cela nous permet d’identifier les besoins réels auprès des différents acteurs et d’en faire rapport aux autorités et membres du personnel. Drink Different apporte ensuite une réponse concrète en fonction des besoins, en proposant des actions spécifiques pour chaque établissement. Le projet a donc une réelle capacité d’adaptation. Mieux, cette première étape génère de nombreux contacts, instaurant une relation de confiance. Par ailleurs, l’expertise reconnue de l’asbl Modus Vivendi au sein de différents milieux de vie, dont le festif, est un gage de sérieux aux yeux des nouveaux partenaires.
Toutefois, comme indiqué plus haut, Drink Different s’inscrit dans une dimension participative visant à co-construire au mieux les étapes du projet. Le fait d’inclure les étudiants et membres du personnel dans les différentes phases permet d’être au plus près des réalités et d’avoir un meilleur impact auprès du public. Le projet repose donc sur la méthode de prévention par les pairs. Les étudiants organisateurs de la vie festive ou investis dans un cercle étudiant sont formés à la RdR. Ils sont amenés ensuite à sensibiliser et informer d’autres étudiants lors de la tenue de stands, de la création d’outils de communication ou d’animation. On reconnaît les étudiants comme des acteurs santé, partenaires incontournables du projet. On opte ainsi pour une responsabilisation : par rapport à soi-même et à autrui. En outre, cela assure une adéquation entre la réalité et les actions proposées et favorise la pérennisation du projet.
Si la confiance s’établit, notamment, par la participation et la méthodologie, il n’en demeure pas moins que la vision sociétale par rapport à la consommation peut s’inscrire dans un cadre moralisateur et jugeant. À titre d’exemple : les étudiants expriment souvent, comme première réaction, leur crainte face à un projet qui a pour thème la surconsommation d’alcool (jugement, contrôle des autorités, restriction…). Le fait d’être un organisme extérieur et indépendant à l’établissement facilite grandement les rapports avec eux. Cela permet d’adopter et de défendre une neutralité qui favorise une relation de confiance avec les cercles. Le non-jugement, la libre expression et l’information objective sont autant de valeurs fondatrices de la RdR. Ces principes rencontrent ceux des jeunes, peu sensibles aux campagnes moralisatrices et empreintes d’un climat de terreur.
Concrètement, la mise en place de la phase de terrain s’appuie sur le principe qu’il est nécessaire d’agir globalement sur trois axes pour être efficient :
La présence effective sur le terrain, au sein des établissements où le projet s’est implanté au fil des ans, est la condition prépondérante à la réussite du projet. La disponibilité et l’écoute, tant lors des moments formels qu’informels, est un gage de création de liens tangibles et solides qui stimulent l’implication des différents acteurs. Enfin, la participation, au centre de la méthodologie de la RdR, contribue fortement à la relation de confiance réciproque entre les différents acteurs.
Pour en savoir plus
Voir la rubrique Nos projets en milieu étudiants sur le site www.modusvivendi-be.org :