L’ancrage de la promotion de la santé et de la prévention dans la formation de la première ligne de soins

avril 2023

Quelle place occupent la promotion de la santé et la prévention dans la formation des professionnels de 1ère ligne et comment renforcer cette place ? Voici les questions auxquelles s’est efforcée de répondre la recherche REFORM P2, qui s’est déroulée sur 18 mois, en 2022 et 2023, rassemblant une dizaine de partenaires, coordonnés par le service universitaire de Promotion de la santé de l’UCLouvain (Reso), le Département de Santé publique de l’ULiège et l’asbl Promo Santé & Médecine Générale. Son rapport final, rendu le 30 septembre 2023, dresse un état des lieux et ouvre de nouvelles perspectives en matière d’intégration des logiques de promotion de la santé et de prévention dans la formation des métiers de la 1ère ligne de soins.

Les résultats de la recherche REFORM P2

La première difficulté de cette recherche, financée par le Fonds Van Mulders-Moonens, consistait dans l’articulation des concepts, parfois considérés comme contradictoires, de prévention, d’une part, et de promotion de la santé, de l’autre – la première se fondant sur les facteurs de risque dans une vision pathogène de la santé, tandis que la seconde s’appuie sur une vision « salutogène » pour étudier les facteurs protecteurs et les déterminants non médicaux de la santé. Le parti pris a été de dépasser cette antinomie supposée, de miser sur une porosité de ces concepts et de forger l’acronyme de PSP (Promotion de la santé et prévention), qui est repris tout au long du rapport final.

La formation continue

La recherche s’est articulée autour de trois études complémentaires, qui ont fait chacune l’objet d’une publication spécifique1. La première consistait à analyser les pratiques de formation continue spécialisée en matière de PSP pour les professionnels de la 1ère ligne de soins – celle-ci étant comprise comme intégrant les professionnels à la fois de la santé et du social. Dès l’abord, la recherche s’inscrivait en effet dans une perspective de formation tout au long de la vie, intégrant non seulement la formation initiale, mais aussi la formation continue (formelle et informelle). L’analyse des pratiques de formation continue suggère sans surprise l’existence d’un écart entre l’identité professionnelle que la formation initiale construit et les identités professionnelles nécessaires à la pratique de son métier dans une logique de promotion de la santé : « la formation a pour effet de modifier les repères théoriques et pratiques qui définissaient autrefois son identité professionnelle ». 

La recherche s’inscrit dans une perspective de formation tout au long de la vie et intègre tant la formation initiale que la formation continue (formelle et informelle).

La formation initiale

La seconde étude portait, elle, sur le repérage des pratiques pédagogiques en matière d’enseignement de la PSP dans cinq filières d’enseignement menant à des métiers de la 1ère ligne de soins : médecine générale, infirmier de 1ère ligne, psychologie, pharmacien d’officine, et assistants sociaux. L’analyse des référentiels de compétences des programmes analysés montre une faible présence de la PSP, à l’exception de la formation d’infirmiers de 1ère ligne. Une analyse plus fine des pratiques effectives laisse toutefois apparaître que la majorité de l’enseignement relatif à la PSP se situe dans des cours dont l’intitulé ne le laisse pas prévoir – un constat positif qui doit à son tour être tempéré par le fait que c’est presque exclusivement le renforcement des compétences individuelles qui fait l’objet de l’enseignement, et quasiment jamais des approches collectives comme la santé communautaire ou l’exercice du plaidoyer.

Cet exercice d’état des lieux a été complété par l’élaboration d’un prototype de référentiel de compétences à destination de l’enseignement et de la formation aux métiers de la 1ère ligne de soins (voir Encadré : Les 6 compétences essentielles à la 1ère ligne de soins).

 

Les 6 compétences de PSP essentielles à la 1ère ligne de soins

Compétence 1 : Positionner théoriquement la promotion de la santé et la prévention dans son champ de pratique, et plus globalement, dans les domaines de la santé, du soin et du social.

Compétence 2 : Témoigner de sa compréhension de l’action des inégalités sociales de santé et des déterminants de santé dans les situations rencontrées dans sa pratique.

Compétence 3 : Exercer son métier au regard d’un cadre de renforcement de la capacité d’agir des individus et collectivités et dans le respect des contextes sociaux et culturels de ceux-ci.

Compétence 4 : Chercher, initier et entretenir des collaborations interprofessionnelles, intersectorielles et transdisciplinaires en considérant la personne et les collectivités comme partenaires de leur santé.

Compétence 5 : S’engager comme professionnel dans les défis sociaux, environnementaux et de santé publique dans une perspective de justice sociale.

Compétence 6 : Évaluer et faire évoluer sans cesse sa pratique, ses actions, sa posture professionnelle dans une perspective de justice sociale et de participation.

Source : Rapport final REFORM P2

Les freins structurels et contextuels

La troisième étude visait à identifier les freins structurels et contextuels à l’enseignement et à la formation continue de la PSP. Ceux-ci ont trait à la fois aux connaissances, expériences et représentations des acteurs et actrices du système, aux aspects culturels et réglementaires des métiers de la 1ère ligne de soins, à l’organisation de la formation initiale et continue, aux politiques de formation continue en PSP, au contexte institutionnel des services de la 1ère ligne de soins, au système de soins de santé en général, et enfin aux politiques de santé intégrées.

6 priorités et 32 recommandations

C’est sur la base de tout ce travail que le groupe de recherche a élaboré un ensemble de recommandations déclinées en six priorités et 32 propositions de stratégies d’actions (voir Encadré Six priorités à poursuivre pour l’amélioration de la formation et de l’enseignement de la PSP auprès des professionnels de 1ère ligne). Celles-ci nécessitent un travail d’approfondissement et d’appropriation de la part des très nombreuses parties prenantes concernées – travail qui sera rendu encore plus difficile au vu de la diversité des niveaux de pouvoir concernés.

La majorité de l’enseignement relatif à la PSP se situe dans des cours dont l’intitulé ne le laisse pas prévoir

Six priorités à poursuivre pour l’amélioration de la formation et de l’enseignement de la PSP auprès des professionnels de 1ère ligne

Priorité 1 : Poursuivre le développement d’un référentiel de compétences de PSP à destination des professionnels de 1ère ligne de soins.

Priorité 2 : Structurer et visibiliser l’offre de cours de PSP dans les programmes de formation initiale pour les professionnels de la 1 ère ligne de soins.

Priorité 3 : Déployer une offre plus dense et pérenne de formation continue et d’accompagnement professionnel à la PSP.

Priorité 4 : Garantir la qualité des dispositifs de formation à la PSP au regard des valeurs et fondamentaux de la promotion de la santé et des exigences des différents métiers, situations professionnelles.

Priorité 5 : Améliorer la visibilité et l’accessibilité de l’offre de formation initiale et continue en PSP pour les professionnels de la 1 ère ligne de soins

Priorité 6 : Valoriser les stratégies de PSP dans l’exercice des métiers de 1 ère ligne de soins, et le développement professionnel.

Source : Rapport final REFORM P2

  1. Le rapport final, les rapports intermédiaires, ainsi que les trois études spécifiques sont disponibles sur le site de Reso : t.ly/KNZyE. Les extraits cités dans le présent article proviennent du rapport final : MALENGREAUX S., FIORENTE M., FONTEYNE G., PARIDANS M., PÉTRÉ B. & AUJOULAT I., Projet REFORM P – Rapport final : Stratégies pour un meilleur ancrage de la promotion de la santé et de la prévention dans la formation initiale et continue de la 1ère ligne de soins en Fédération Wallonie Bruxelles, incluant un prototype de référentiel de compétences essentielles, Woluwé-St-Lambert. Rapport de recherche, non publié, 2023.