Retour sur les mesures et actions de la dernière législature

janvier 2024

La Cellule générale de Politique drogues de l’ancienne législature de 2014 à 2019 pointait le besoin d’un renforcement de la politique de prévention « en raison du lien étroit qui existe entre le rôle des professionnels de soins de santé primaire et la possibilité d’un meilleur échange de bonnes pratiques » notamment à travers une augmentation du financement. Qu’en est-il à l’aune des prochaines élections ? Nous l’analyserons à travers une sélection non exhaustive de différentes mesures et actions menées sur ces quatre dernières années aux différents échelons de notre État fédéral.

Plan global de sécurité et de prévention 2021 – 2025

Le plan global de sécurité et de prévention de Bruxelles Prévention et Sécurité1, fixe les priorités régionales en matière de sécurité et de prévention. Depuis juin 2022, c’est sous le nom de safe.brussels que l’on retrouve l’ensemble des missions de prévention, de sécurité et de gestion de crise dirigé par Sophie Lavaux.

Il traite d’une dizaine de thématiques comme la radicalisation, les atteintes aux biens ou encore le trafic des êtres humains. Concernant les drogues et les assuétudes 10 mesures de prévention ont été définies :

  • renforcer les dispositifs d’accompagnateurs sociaux mobiles à destination des usager.ères souffrant d’exclusion sociale ;
  • constituer un répertoire actualisé des structures spécialisées en promotion de la santé et en prévention des assuétudes à destination des services non spécialisés ;
  • poursuivre le déploiement et le renforcement de l’offre de formation multidisciplinaire afin de capitaliser sur l’expertise existante au sein de la Région et de contribuer aux échanges d’expériences entre les acteurs de terrain ;
  • organiser des campagnes de communication et de prévention liées à la thématique, ainsi que développer et renforcer la sensibilisation des consommateur.ices ;
  • améliorer la détection rapide et l’identification des producteurs sur le territoire de la Région Bruxelles-Capitale ;
  • diagnostiquer les besoins relatifs à une approche des marchés locaux de la drogue via Internet ;
  • poursuivre la mise en réseau des équipes de recherches bruxelloises dans le domaine de la drogue afin de développer l’expertise pour orienter la politique et améliorer la connaissance des produits en circulation ;
  • mettre en place et diversifier l’offre de prise en charge à destination des personnes souffrant d’assuétudes et renforcer l’accompagnement des usager.ères ;
  • affiner la connaissance et l’image des assuétudes en lien avec la sécurité et le sentiment de sécurité par la récolte de données, le développement et le suivi d’indicateurs et l’élaboration d’analyses permettant d’identifier des réponses adaptées ;

Un centre intégré pour 2026

Le 12 octobre 2021 a été lancé le projet de Centre intégré qui verra le jour en 2026, dans le cadre du plan de Prévention et de Sécurité. Situé sur les berges du canal à Molenbeek (55 Avenue du Port), le futur centre proposera l’accueil, le soin, le suivi et l’hébergement des personnes sans abri. La question des usages de drogues est pensée et opérationnalisée par l’opérateur régional en matière d’assuétudes, l’asbl Transit.

Pour Muriel Goessens, directrice de l’asbl : « On dit du futur centre qu’il est intégré parce qu’il conçoit la santé dans sa globalité, en agissant sur l’ensemble de ses déterminants, pas seulement sur les symptômes de la maladie ou du mal être, mais également sur les facteurs qui les conditionnent. Ils peuvent être d’ordre socio-économique, culturel, environnemental, contextuel … En ce sens, il offrira une palette de soins pluridisciplinaires partagée entre trois partenaires spécialisés, le Projet Lama pour ce qui concerne l’induction et le suivi des traitements de substitution, Médecins du Monde pour ce qui concerne la médecine générale et Transit pour l’accompagnement psycho-social, la pair-aidance, le travail de rue, la réinsertion professionnelle, l’hébergement, l’approche genrée, les activités communautaires2 ».

Selon le ministre-président Rudi Vervoort, ce dispositif innovant de cohésion sociale démontre l’engagement du gouvernement « à mettre en place une véritable politique de réduction des risques vis-à-vis des consommateurs potentiels ou usagers de drogues3 ».

Ouverture de la première SCMR bruxelloise : GATE

Le 5 mai 2022, Bruxelles devenait la deuxième ville belge et rejoignait les cent villes européennes4 à compter une salle de consommation à moindre risque (SCMR) sur son territoire.

Dans un objectif d’amélioration de la santé et de la tranquillité publique, la salle GATE accueille un public majeur vulnérable et dépendant principalement à l’héroïne et la cocaïne.

Les services sociaux, sanitaires, administratifs et médicaux attachés sont gratuits et anonymes. Ils sont assurés par l’asbl Transit et MASS et permettent l’accompagnement des usager.ères dans un parcours de soin et d’inclusion sociale. Une seconde SCMR devrait voir le jour dans le quartier Ribaucourt.

Intégration d’un volet santé dans le Stroomplan XXL qui lutte contre le trafic de dogues au port d’Anvers.

Début 2021, le Stroomplan, créé pour lutter contre le trafic de drogues via le port d’Anvers, devient le Stroomplan XXL, après les menaces reçues par le ministre de la Justice. Les mesures de répression sont renforcées à travers une coopération intégrée et intégrale entre la police fédérale, locale, la douane et les différents services d’inspection ainsi que l’administration locale d’Anvers, mais aussi par le recrutement de 211 enquêteurs et 195 détectives supplémentaires.

Question santé, un volet inédit a été ajouté au plan. Le 16 septembre 2022, on pouvait lire sur la site de la féda5 l’intervention du cabinet du ministre Vandenbroucke précisant que cette nouveauté « prévoit notamment, […], une adaptation de la loi sur les Drogues de 1921 (charpente centenaire de la prohibition des drogues en Belgique),  afin d’éviter tout risque juridique dans le cadre de la loi Drogues de 1921 pour les dispensateurs d’aide et les dispensateurs de soins qui travaillent dans des endroits où l’utilisation de drogues est autorisée ».

Lancement du Plan Social Santé Intégré (PSSI)

En octobre 2022, le ministre bruxellois de la Santé et du social, Alain Maron, rendait public le Plan Social Santé Intégré (PSSI)6 qui intègre le Plan de promotion de la santé, le Plan Santé et le Plan bruxellois de lutte contre la pauvreté.

Ses principes sont :

  • Répondre aux besoins de chacun.e, avec des moyens adaptés.
  • Rapprocher l’offre de services du social et de la santé des Bruxellois.es en couvrant tout le territoire.
  • Faciliter l’accès aux services en les rendant plus visibles, lisibles et coordonnés entre eux.

Sur les principes, entre autres, de la promotion de la santé, de l’approche genrée et de l’accès aux droits, à l’aide et aux soins, l’offre de services ambulatoires de première ligne tend à être réorganisée sur une base territoriale à travers des quartiers « social santé ».

Pour les acteurices actif.ves au sein des 56 quartiers social santé7 qui couvrent l’ensemble du territoire bruxellois, les missions sont multiples :

  • lutter contre le non-recours ;
  • organiser l’offre social santé du quartier de manière à mettre au mieux les objectifs de vie des personnes en besoin d’aide et de soins au cœur de l’offre ;
  • agir sur les déterminants de la santé.

Ces zones regroupent maximum 30 000 habitant.es.

Vers un accès simplifié à la naloxone en spray nasal

La naloxone est un dérivé semi-synthétique de la morphine retirant temporairement les opioïdes des récepteurs, ce qui permet d’annuler rapidement les effets d’une surdose, et notamment de rétablir une respiration normale. Utilisée en médecine d’urgence depuis les années septante, sa version en spray nasal est celle qui agit le plus rapidement et est considérée comme la plus sûre.

Son autre avantage est qu’elle peut être utilisée par des non-professionnel.les du fait de sa simplicité d’usage.

Plusieurs pays ont dès lors mis en place un programme « Take Home Naloxone » par le biais de kits de naloxone fournis aux personnes qui consomment des opioïdes, à leurs amis et famille afin de permettre une intervention rapide et salvatrice.

En 2022, aucun médicament à base de naloxone pour administration intranasale n’était pourtant commercialisé en Belgique. Ainsi, le Conseil supérieur de Santé (CSS)8 recommandait en mai 2021 une adaptation du cadre juridique quant à l’utilisation de la naloxone reconnue comme des activités « qui ont trait à la vie quotidienne et qui ne relèvent pas de l’art de guérir, de l’art infirmier, de la kinésithérapie ou d’une profession paramédicale ». Le Conseil recommandait également que les autorités belges fassent le nécessaire pour que la naloxone sous forme nasale soit disponible en Belgique.

Concernant la formation, le CSS recommande de « former les professionnels susceptibles de délivrer de la naloxone et de mettre à disposition des kits de formation et du matériel pédagogique à utiliser ou à donner aux usagers. »

Le 13 janvier 2023, sur la  base de cet avis favorable et d’un avis conjoint des académies de médecine quant à son usage recommandant de rendre disponible, en priorité, la forme topique du produit (spray nasal) – avis renforcé par une mobilisation du secteur des assuétudes –, l’accès à la naloxone, antidote aux surdoses liées à la (sur)consonsommation d’opioïdes, a été facilité au niveau fédéral.

En prévention d’une éventuelle arrivée du fentanyl en Belgique, Christie Morreale ministre de la Santé, soulignait la nécessité d’avancer « sur les législations relatives à la naloxone. » le 18 avril dernier9.

Réunion Thématique Drogues (RTD) de la Conférence interministérielle Santé publique :  décision stratégiques pour une politique interfédérale sur l’alcool et le tabac.

Inspiré par les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé et du Conseil supérieur de la Santé, ce plan d’action 2023-202510 est une concrétisation de la stratégie interfédérale relative à l’usage nocif de l’alcool 2023-2028.

Il s’articule autour des différents axes de la politique alcool qui prévoient de :

  • sensibiliser davantage la population aux dangers liés à une consommation novice d’alcool, notamment sur les liens entre cancers et consommation d’alcool ;
  • aider la population à identifier les signes d’une consommation nocive d’alcool plus rapidement et de les orienter vers des soins adaptés et sur mesure ;
  • renforcer la prévention et la promotion de la santé, l’amélioration de l’accès aux soins, la réduction du nombre de décès et de blessures graves sur la route causés par l’alcool, mais aussi développer une réflexion sur le prix des boissons alcoolisées ;
  • contrôler de manière renforcée la publicité en matière d’alcool grâce à la création d’un organe indépendant sous l’égide du SPF Santé publique.

Afin de permettre l’intensification de la prévention et de la promotion de la santé, le plan prévoit  la création de politiques coordonnées entre entités fédérées, la création d’un label pour les restaurants avec une gamme étendue et de haute qualité d’alternatives sans alcool, le soutien de projets participatifs de pair-aidance ou d’approche communautaire et le soutien des projets de réduction des risques en matière de consommation nocive d‘alcool.

Tous ces projets seront évalués en 2025.

Création du commissariat national drogues

En avril 2023, sur l’initiative du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne et de la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden, a été créé un Commissariat national drogues en charge de coordonner la lutte nationale et internationale contre la production et le commerce de drogue sous toutes ses formes.

Le 14 avril, c’est Ine Van Wymersch, ancienne procureure de l’arrondissement judiciaire de Hal-Vilvorde, qui est désignée, comme commissaire nationale drogue pour les cinq prochaines années.

Outre la répression, la commissaire considère que la prévention est l’un des piliers primordiaux à la lutte contre la drogue. Elle soulignait à la VRT11 : « Je pense que tout le monde est conscient que ces personnes se trouvent dans une situation sociale vulnérable et que la solution ne viendra pas uniquement de la police et de la justice. Leur rôle est de soutenir les travailleurs sociaux pour qu’ils puissent faire leur travail en toute sécurité ».

Inspirée par le modèle espagnol, elle propose la création d’un « fonds drogue ». L’argent confisqué aux narcotrafiquants et récolté par le biais des amendes, alimenterait le fonds utile au financement de la police, de la justice mais également aux travailleur.ses sociaux.ales.

1 Voir le Plan global de sécurité et de prévention sur le site de Safe Brussels : https://urlz.fr/qGg3.

2 Safe Brussels, La Région bruxelloise dévoile le futur centre d’accueil intégré pour usagers de drogues. Disponible sur : https://safe.brussels/fr/la-region-bruxelloise-devoile-le-futur-centre-daccueil-integre-pour-usagers-de-drogues.

3 RTBF Actus, Bruxelles : un centre d’accueil intégré pour usagers de drogues le long du canal à l’horizon 2026. Disponible sur : https://urlz.fr/qGgq. 

4 Voir : http://fr.transitasbl.be/scmr-gate/.

5 Féda, Un plan XXL pour lutter contre la criminalité organisée liée à la drogue en Belgique, Disponible sur le sité de la féda : https://urlz.fr/qGgP.

6 Voir : CBCS, Territoire, la nouvelle star du social-santé ?, Revue Bis, n° 10, Décembre 2022. Disponible sur : https://cbcs.be/revue_bis/bis-180/.

7 Voir : Décret et ordonnance conjoints de la Commission communautaire française et de la Commission communautaire commune relatifs à l’organisation de l’ambulatoire et de la première ligne social santé dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Disponible sur : https://urlz.fr/qGzi.

8 Conseil Supérieur de la Santé, Mise à disposition de naloxone aux consommateurs d’opioïdes, Avis 9695, 2022. Disponible sur : https://urlz.fr/qGzC.

9 Laurent Zanella,  Christie Morreale : « La Belgique doit avancer sur les législations relatives à la naloxone » , Le Journal du Médecin. Disponible sur : https://urlz.fr/qGA9.

10 Cellule générale de politiques drogues, Stratégie interfédérale en matière d’usage nocif d’alcool 2023-2028 – Plan d’action 2023-2025. Disponible sur : https://urlz.fr/qGAA.

11 Anne François, Ine Van Wymersch nommée commissaire nationale aux drogues, VRT nws. Disponible sur : https://urlz.fr/qGAO.