Les élections européennes, organisées simultanément aux régionales et aux fédérales offrent une bonne occasion de se pencher sur le rôle méconnu de l’Union européenne en matière de politiques relatives aux drogues.
« C’est avec le traité de Maastricht (1992) que les drogues apparaissent pour la première fois dans les traités européens. »
Il n’allait pas de soi que l’Union européenne s’occupe un jour de question de drogues : la première impulsion a été donnée par le Parlement européen, qui adopte à partir du milieu des années 1980 des résolutions favorables à la coordination des luttes nationales (sans mention de la prévention). Le rythme s’accélère au début des années 1990, avec la création en 1993 de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT – qui deviendra EUDA – Agence de l’Union européenne sur les drogues – en juillet 2024) et du Comité européen de lutte anti-drogue – le Celad, qui adopte le premier programme européen de lutte contre la drogue en 1990.
C’est avec le traité de Maastricht (1992) que les drogues apparaissent pour la première fois dans les traités européens – mais dans une logique de subsidiarité, qui laisse la compétence principale aux États membres, tout en renforçant la coopération européenne, tant sur le plan de la réduction de l’offre que sur celui de la réduction de la demande.
Coordonner les travaux du Conseil : le groupe horizontal « Drogues »
En 1997, est créé le groupe horizontal « Drogues » (GHD), chargé de diriger et coordonner les travaux du Conseil de l’UE en matière de drogues. Il est composé des représentants des vingt-sept États membres, ainsi que de la Commission européenne, du Service européen d’action extérieure SEAE), de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies et d’Europol (Agence de l’UE pour la coopération des services répressifs). Le GHD effectue des travaux d’ordre aussi bien législatif que politique qui sont ensuite adoptés par le Conseil des ministres de l’UE. Les principaux objectifs du groupe sont les suivants :
Depuis le début, ce processus d’européanisation des politiques en matière de drogue avance donc sur deux jambes différentes et inégales : l’une répressive, l’autre sanitaire. Cette dualité se laisse voir dans les différentes stratégies européennes, qui constituent depuis les années 1990, le principal instrument utilisé par l’Union européenne dans le domaine.
Généralement mises en œuvre pour une période de quatre à huit ans, ces stratégies ne constituent pas une législation contraignante, mais plutôt un cadre général concernant les questions liées à la (lutte contre la) drogue, à destination des États membres.
La dernière stratégie en date a été approuvée par le Conseil de l’UE en décembre 2020. Cette nouvelle stratégie de l’UE en matière de drogue (2021-2025), succède à la stratégie antidrogue de l’UE (2013-2020). Elle se concentre sur trois domaines d’action : la réduction de l’offre de drogue ; la réduction de la demande de drogue ; la lutte contre les dommages liés à la drogue. Elle recense en outre trois thèmes transversaux qui viennent en soutien aux domaines d’action cités : la coopération internationale ; la recherche, l’innovation et la prospective ; la coordination, la gouvernance et la mise en œuvre.
« Depuis le début, ce processus d’européanisation des politiques en matière de drogue avance donc sur deux jambes différentes et inégales : l’une répressive, l’autre sanitaire. »
Le plan d’action et ses 85 mesures
Cette stratégie se décline enfin en un plan d’action de l’UE en matière de drogue (2021-2025), qui comprend pas moins de 85 mesures spécifiques relatives aux domaines d’action énoncés ci-dessus. C’est dans la « Priorité stratégique n°5 : Prévenir la consommation de drogues et sensibiliser aux effets néfastes des drogues » que se trouve la promotion des mesures de prévention. Parmi les 7 actions recommandées par le Plan d’action en la matière (sur un total de 85), figurent la mise en œuvre de stratégies de prévention « environnementale et universelle » fondées sur des données probantes et sur les compétences psychosociales ; l’amélioration de la disponibilité d’informations fiables sur la prévention, y compris sur les modèles de prévention efficaces ; le développement d’une logique de partenariat lors de la mise en place de mesures de prévention « sélective et indiquée » ; l’allocation de fonds suffisants à l’éducation, à la formation et au perfectionnement professionnel continu à l’intention des décideurs, des faiseurs d’opinion et des professionnels en ce qui concerne les données scientifiques les plus récentes sur la consommation de drogues et la prévention de la toxicomanie. Au titre de la prévention, se retrouvent également des mesures qui en relèvent beaucoup moins directement, comme « s’attaquer au problème de la conduite sous l’influence de drogues ». Il est également à noter que ces mesures s’inscrivent explicitement dans un objectif de « réduction de la demande de drogue », déconnecté des 5 actions qui mettent en avant l’importance de la réduction des risques.
Des effets nationaux sur les politiques européennes ?
On le voit, la stratégie 2021-2025 et son plan d’action demeurent beaucoup plus inspirés par la « jambe » Justice et affaires intérieures que par la « jambe » Santé publique, qui se voit en outre essentiellement ramenée à la question du traitement et de la réduction de la demande. Reste à savoir si les changements d’orientation observés au niveau national (notamment à Malte, au Luxembourg et en Allemagne) depuis l’adoption de la stratégie auront un effet de rééquilibrage au moment d’élaborer la future stratégie qui devra se déployer à partir de l’année 2026.
Voir COLSON, R. et BERGERON H., European Drug Policies – The Ways of Reform, Routledge, 2017.
On remarquera le subtil changement terminologique de « stratégie antidrogue » à « stratégie en matière de drogue ».