PIGNARRE, Philippe, Paris, La Découverte, 2006
Ancien cadre de l’industrie pharmaceutique, Philippe Pignarre se retourne dans ce livre contre son ancien secteur d’activité et l’alliance de celui-ci avec la vision unidimensionnelle des thérapies comportementales et cognitives. D’après lui, l’idéologie qui s’en dégage renoue avec des théories du XIXème siècle tout en instrumentalisant les derniers résultats des neurosciences.
En résulte une tendance fâcheuse à médicaliser toute une série de problèmes sociaux, depuis la difficulté à trouver un emploi jusqu’à la participation à des émeutes en banlieue. Ce n’est qu’en inventant collectivement de nouveaux modes de prise en charge de la souffrance psychique que la société pourra sortir cette souffrance de l’étau médical qui l’enserre.
LAPLANTINE, François, réédition, Paris, Payot, 1993
Dans cet ouvrage devenu un classique, l’anthropologue François Laplantine rapproche de manière inédite des sources qui n’avaient jamais été réunies auparavant, notamment les textes littéraires – dont des confessions d’écrivains malades – et ceux issus de la bio-médecine. Il propose une définition des modèles étiologiques en quatre axes – 1) ontologique / relationnel ; 2) exogène / endogène ; 3) additif / soustractif ; 4) bénéfique / maléfique – amené à une grande postérité.
À partir de ces modèles, Laplantine décortique les différents systèmes médicaux en France, « la médecine officielle éclatée en différents modèles parfois antinomiques » mais aussi la grande variété de médecines parallèles en mettant en évidence la relation entre la maladie et le sacré, la médecine et la religion et la guérison et le salut.
ABECASSIS, Philippe et COUTINET, Nathalie, Paris, La Découverte, 2018
Avant la pandémie, l’industrie du médicament pesait déjà plus de 1 000 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Les enjeux de ce secteur productif dépassent évidemment les seules considérations économiques. Mais il est capital de prendre conscience de ces dernières pour pouvoir réfléchir politiquement à des questions d’intérêt général, comme l’innovation, l’accessibilité et la qualité.
Cet ouvrage de vulgarisation aborde les conditions de production et de distribution, les modalités de fixation des prix, les exigences de qualité, d’accessibilité et d’efficacité des médicaments tout en s’intéressant aux stratégies de l’ensemble des acteurs aux intérêts moins convergents qu’on ne le suppose parfois. La thèse centrale réside dans l’existence d’un compromis (en évolution permanente) entre ces différents intérêts, que les auteurs nomment « modèle de production ». « Big Pharma » n’en sort pas indemne, mais l’image qui s’en dégage est complexifiée.
PEREZ, Stanis, Paris, Perrin, 2015
Les histoires de la médecine sont aussi nombreuses que sont rares les histoires des médecins. Historien et coordonateur de la Maison des sciences de l’Homme de Paris-Nord, Stanis Perez remédie brillamment à cette carence via une synthèse à la fois culturelle, politique et sociale – qui porte la marque du travail de Michel Foucault – des évolutions du rôle du médecin depuis Hippocrate jusqu’à aujourd’hui.
Il y insiste notamment sur le rôle fondamental du christianisme dans l’avènement, au Moyen Âge, d’un praticien au savoir essentiellement livresque. À la fois artisan et artiste de la santé, le médecin voit ensuite son rôle bouleversé par l’émergence révolutionnaire de la clinique.
Au XIXe siècle, le médecin se fait « réformateur qui consolide son rayonnement social et entend jouer un rôle croissant dans la vie de la cité… ou dans les campagnes reculées ». Enfin, la faillite de l’État providence et la crise contemporaine de la profession ont soulevé des débats qui, pour la plupart, sont toujours d’actualité ». Non sans rappeler que le prestige dont continue à jouir la profession repose peut-être aussi sur le fait que 80 % des guérisons soient spontanées : « Le vrai chef-d’œuvre médical concernant Louis XIV c’est d’avoir survécu à ses maladies, à ses médecins et aux traitements qu’on lui a infligés ! »
VIGARELLO, Georges, Paris, Le Seuil, 2015
Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, Georges Vigarello est un historien du corps, de l’hygiène et de la santé. Il s’attache ici à retracer l’évolution des formes d’« entretien de soi » et leurs interférences avec la science et les croyances, leurs liens avec l’image du corps, la résistance aux épidémies, la défense des cités et la très lente mise en place d’initiatives publiques.
C’est le caractère fondamentalement mouvant de la frontière entre le sain et le malsain qui ressort avec le plus d’acuité de cette analyse historique. De même, « les seuils de ce qui est physiquement toléré, l’apparition du maladif ou du dangereux changent avec la civilisation ». Les progrès techniques et scientifiques font émerger un nouveau paradoxe : surmonter les « menaces anciennes » tout en faisant émerger des dangers inédits.
Sur le plan individuel, c’est le projet d’entretien du corps qui s’est transformé : « Hier on gardait la santé, aujourd’hui on l’améliore. »