Édito: Bonne année, bonne santé !

décembre 2014

À l’hiver 2011, évoquant la mobilisation des acteurs de promotion de la santé contre un projet de réforme de leur secteur, nous faisions un détour par la pensée de Félix Guattari pour illustrer ce que nous pensions être les prémisses d’un devenir collectif. Para- phrasant le philosophe psychanalyste, nous évoquions l’émergence d’un « agencement collectif d’énonciation », autrement dit la constitution d’un « groupe sujet » en opposition au « groupe assujetti ». L’entrain manifesté ne fut toutefois que de courte durée. Une fois le projet de réforme des dispositifs de santé cloué au pilori, très vite sonna l’heure du désagencement, venant ainsi confirmer l’évidence selon laquelle c’est avant tout à travers la résistance que le sujet se fait. Mais loin d’être assujetti, le collectif n’était en fait qu’assoupi, prêt à bondir dès l’apparition d’une nouvelle menace.

L’attente ne fut pas très longue. Moins de trois ans plus tard, la VIe réforme de l’État allait fournir au secteur de la promotion de la santé l’opportunité d’un réagencement collectif. Partie prenante de cette lutte, Prospective Jeunesse se devait, une nouvelle fois, d’en rendre compte dans son trimestriel. D’autant plus que la mobilisation actuelle diffère de la précédente en ce qu’elle semble s’inscrire dans la durée. Il est vrai que l’enjeu est autrement plus important. Petit Poucet budgétaire, la promotion de la santé a été accrochée au train de la régionalisation sans réel dessein politique. Ce n’est donc pas tant la façon dont elle s’opérationnalise qui est en jeu, mais bien sa survie elle-même.

Réalistes quant à l’intérêt que peuvent susciter les déboires institutionnels du secteur de la pro- motion de la santé chez la plupart de nos lecteurs (il y a, par exemple, fort à parier que la question, certes cruciale, de savoir pourquoi, à Bruxelles, la promotion de la santé a atterri à la COCOF plutôt qu’à la COCOM ne déchainera les passions que d’un groupe très restreint de spécialistes), nous avons fait le choix d’élargir le débat à celui plus large de la santé publique. Plus précisément, ce numéro interroge la ou les manières d’articuler santé publique et promotion de la santé.

Loin d’être réservée aux chamailleries de quelques élites technocratiques, la question de cette articulation nous concerne tous car elle est fondatrice de ce que d’aucuns nomment le contrat social. Pour Florence Caeymaex, elle conditionne notre définition du « vivre ensemble ». Une définition à laquelle participe chacune des contributions du présent numéro via un éclairage spécifique sur quelques-unes des nombreuses dimensions des dispositifs de santé en Belgique. Le point de vue qu’elles composent indique que la santé renvoie davantage à la notion de « qualité de vie » qu’à une simple question de maladie. À la fois aventure personnelle, bien collectif, complexe économique, levier de pouvoir, la santé est l’affaire de tous. N’attendons pas d’en manquer pour nous y intéresser, nous risquerions d’en être totalement dépossédés.

Histoire de commencer l’année en fanfare, nous rappelons à nos chers lecteurs qu’un questionnaire en ligne est accessible sur notre site internet. Destinées à évaluer qualitativement la revue, les informations collectées participeront activement à assurer et à pérenniser sa bonne santé.

Julien Nève