Ecole : 2018, la Révolution du bermuda !

octobre 2018

Le mois de juin marque souvent le début des températures estivales, et cette année tout particulièrement avec des températures avoisinant les 30 degrés. Quand il fait chaud, le réflexe est de s’habiller de façon plus légère. Sauf que… C’était sans compter les Règlements d’Ordre Intérieur (R.O.I.) des écoles ! Ni une, ni deux, les élèves s’organisent. Aux shorts, citoyens !

Les R.O.I1 définissent entre autres le code vestimentaire et ses interdictions, basées tantôt sur de vieilles traditions, tantôt en réaction à la mode d’aujourd’hui qui ne s’intègre pas dans les habitudes du monde scolaire. Nombreuses écoles interdisent donc le port du short ou du bermuda aux garçons.

C’est dans ce cadre que le Comité des Elèves Francophones félicite et encourage les initiatives portées par des élèves réclamant juste le droit de ne pas mourir de chaud dans un pantalon, alors que les filles peuvent, elles, porter une jupe…

EFFET « BOULE DE NEIGE »

Des élèves d’Enghien ont d’abord initié le mouvement en arrivant dans leur école en short ou en bermuda. Les jours et les semaines suivantes, des élèves d’un peu partout en Wallonie et à Bruxelles ont sollicité leur direction pour pouvoir porter des shorts et revoir ainsi leur règlement d’ordre intérieur. Le résultat fut assez mitigé. Dans certaines écoles, les élèves ont réussi à faire céder la direction pour revoir le R.O.I. Dans d’autres, le port du short n’a été accordé que de façon temporaire. Et pour quelques autres encore, l’interdiction est restée d’application. La sollicitation des médias par les élèves aura sans doute eu un impact dans les décisions de nombreuses écoles d’autoriser ou non le port du short ou du bermuda.

 « En plus de permettre d’élever notre voix, en passant par les médias par exemple, la désobéissance crée des liens entre les élèves et on se rend compte que l’on peut créer un rapport de force face à la direction. »

Le Comité des Elèves Francophones (CEF) est le syndicat des élèves du secondaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles et est reconnu comme organisation de jeunesse. Les actions du CEF s’articulent autour de quatre axes d’actions : agir sur les problèmes liés à l’enseignement, renforcer le rôle des élèves dans l’école, porter la voix des élèves et ouvrir l’école à la société.

Le CEF fonctionne par, pour et avec les jeunes sur une base volontaire. Chaque élève ou jeune peut devenir membre de l’association.
Chaque année, nous organisons deux campagnes thématiques : l’une qui concerne l’école et l’autre la parole des élèves et des jeunes sur la société. Parmi les campagnes du CEF, on peut citer TLESDE – pour Tou•te•s Les Elèves Sont Des Elèves. Plusieurs membres se sont fortement impliqué•es dans ce projet de documentaire. Il a débouché sur une campagne dont le message principal est que ce n’est pas à l’élève de s’adapter à l’école, mais bien à l’école de s’adapter à chaque élève.

DE LA RÉVOLUTION DU BERMUDA À LA REVENDICATION DE DROITS ÉGAUX ET NON DISCRIMINATOIRES !

En creusant plus dans les règlements des écoles, on s’aperçoit vite que c’est l’absurde et l’arbitraire qui règne en matière vestimentaire. Certaines interdisent les bretelles. Les unes réclament juste une tenue correcte sans préciser les critères de jugement. Les autres interdisent les tenues « trop » courtes ou « trop » longues ou « trop » transparentes ou « trop » échancrées, … sans jamais définir ce qu’on entend par « trop ».

Dans la plupart des établissements, c’est à la direction qu’il revient « d’apprécier » la correction de la tenue ou des excentricités. Ce manque de cadre donne lieu à des situations incroyables où, par exemple, pour une même blouse, une élève sera jugée décente et une autre, avec une poitrine plus volumineuse, non. Nous avons même relevé le cas d’une école dans laquelle « la tenue est soumise à l’appréciation du directeur. Le refus de l’élève de se conformer à cette appréciation peut être un motif d’exclusion définitive. » Cette règle est complètement abusive et en totale contradiction avec le décret Missions, qui définit clairement les modalités d’une exclusion définitive.

Pour le Comité des Élèves Francophones, les élèves doivent prioritairement être associé.e.s à la rédaction des règles en matière vestimentaire. Nous demandons de :

  • définir collectivement, avec l’ensemble du personnel éducatif, les tenues permises ou non à l’école.
  • fixer des critères clairs et objectifs
  • justifier et expliquer les éventuelles interdictions
  • appliquer le règlement à tou.te.s sans discrimination d’aucune sorte (liée à l’âge, au genre, …).

Nous comptons donner suite à la mobilisation des jeunes pour lever l’interdiction de porter un bermuda à l’école, campagne à venir donc !


1. Ces règlements, propres à chaque établissement scolaire, font la loi des écoles et nous pouvons y retrouver, entre autres, les types de sanctions, les absences, les retards, les évaluations…

JULIEN*, ÉLÈVE DE 5E SECONDAIRE DANS UNE ÉCOLE BRUXELLOISE, NOUS RACONTE SA RÉVOLUTION DU BERMUDA

Comment as-tu entendu parler de cette « Révolution du bermuda » ?

Grâce au CEF. J’ai lancé l’idée dans mon école. Le port du bermuda y est déjà autorisé donc on s’est concentré sur les autres points du règlement d’ordre intérieur comme la question des décolletés, des mini-jupes ou encore du voile. On remarque de manière générale que notre ROI est assez sexiste ou islamophobe.

Qu’est-ce que vous avez fait dans votre école et qu’est-ce que ça a donné ?
On s’était donné rendez-vous devant l’école toutes et tous habillé•es avec des vêtements « interdits » : moi j’étais avec un training, d’autres avec des jeans déchirés, une fille qui est venu avec un voile, etc. Malheureusement, ça n’a pas vraiment fait de bruit.

Pourquoi avoir choisi la désobéissance dans le cadre de ton action ?
Quand l’on passe par les voies plus habituelles de représentation des élèves, les délégué•es ou des mandats de ce type, la direction va bloquer tout ce qui remet en cause l’école ou son autorité. Elle va juste accepter ce qui améliore son image. On ne peut pas vraiment obtenir d’avancées, remettre en cause le système de l’école, le code vestimentaire ou d’autres points. On peut essayer de faire des actions, faire des pétitions, faire des cercles de discussions dans la cour et discuter des problèmes qu’il y a dans l’école. Mais là aussi, la direction va bloquer et va aller chercher les élèves qui mènent ces actions pour les engueuler ou les menacer.
On remarque un certain abus d’autorité de la part de la direction ou de l’école en générale. Ce à quoi nous répondons : « si l’école ne veut pas nous entendre, on criera juste plus fort pour qu’elle soit obligée de le faire ». Dans ce cas-là, on passe à la désobéissance. En plus de permettre d’élever notre voix, en passant par les médias par exemple, on crée des liens entre les élèves et on se rend compte que l’on peut créer un rapport de force face à la direction.
Parce que dans les mandats de délégués, c’est toujours un seul délégué, les autres élèves ne sont pas concerné•es par ce que ce-cette délégué•e fait et donc il ou elle est tout•e seul•e. Dans les actions de désobéissance, on est beaucoup et ça permet de vraiment créer un rapport de force. Et puis, ça permet à tou•te•s les élèves de s’intéresser à des questions plus politiques.

Est-ce que tu penses refaire des choses l’année prochaine ?
Oui, je pense refaire des choses l’année prochaine. Ça n’a pas fonctionné cette fois-ci car on a eu très peu de temps. Deux jours, ce n’était pas suffisant pour mettre tout ça au clair. Mais, dès l’année prochaine, on remet ça pour ne pas perdre l’énergie qui a été déployée en juin !

*prénom d’emprunt