C’est la révision du calendrier scolaire opérée cette année par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui a fourni l’occasion à ce numéro atypique. De l’avis assez consensuel des spécialistes de l’enfance, voilà une réforme qui a le mérite – trop rare hélas – de placer le bien-être des enfants au centre de la décision politique, et dont les retombées positives devraient toucher autant à leur santé qu’à la qualité de leurs apprentissages. L’occasion était d’autant plus belle que la question des temps sociaux, dont la nature est tellement politique, ne fût-ce qu’en termes de répartition genrée, se voit habituellement reléguée aux marges des campagnes, des programmes et des débats électoraux.
Ce refoulement des « enjeux temporels » n’est d’ailleurs pas l’apanage de la politique partisane : en matière de recherche, la question du lien entre temps, rythmes et consommation de substances psychotropes reste en effet encore largement un point aveugle, et ce, alors même que les quelques données robustes dont on dispose indiquent le caractère déterminant de cette dimension. Une étude de l’École de médecine de l’Université de New York (NYU) montre par exemple que c’est très majoritairement au cours des mois d’été que les jeunes expérimentent pour la première fois des substances telles que la cocaïne, le LSD ou la MDMA.
Quant au fameux « modèle islandais » (Icelandic Prevention Model), qui est en passe de devenir le premier produit d’exportation de cette petite île nordique, ses mesures centrales touchent au temps de vie des jeunes, depuis l’incitation à faire du sport et à prendre autant que possible les repas en famille, jusqu’à des mesures coercitives qui paraissent nettement moins envisageables sous nos latitudes, comme l’établissement d’un couvre-feu pour les mineurs.
Enfin, nombreux sont les spécialistes du sommeil qui dénoncent à la fois une véritable épidémie de manque de ce temps réparateur au sein des pays industrialisés, mais aussi, de manière plus ciblée, l’inadéquation radicale des horaires de début des cours avec les schémas et besoins spécifiques du sommeil adolescent. À nouveau, les conséquences de cette inadéquation ne se limitent pas à la qualité des apprentissages, mais touchent également à la santé et aux facteurs de risque de consommation abusive. Ces constats prouvent, s’il le fallait encore, à quel point la question de la prévention de ces consommations gagne à être abordée dans une logique globale et transversale de promotion de la santé, qui tienne compte de facteurs aussi rarement pris en considération que le sommeil.
Sans oser espérer que la réforme du calendrier scolaire annuel soit le prélude d’une révision prochaine des horaires quotidiens, formons tout de même le vœu qu’elle permette de faire remonter la « politique des temps » un peu plus haut dans l’agenda du débat. Le temps, cette variable souvent impensée et pourtant tellement centrale dans nos vies et celles des jeunes, méritait bien que, l’espace d’un numéro, lui soit consacré un peu de… temps.