Personne – sauf peut-être quelques acteur.ice.s de terrain – ne l’avait vu venir, mais il semble que la question de la santé mentale soit en passe de devenir l’invitée surprise des multiples campagnes électorales de cette année 2024. L’accroissement – consécutif au confinement – des difficultés en la matière, en particulier chez les jeunes, a déjà suscité quelques réponses politiques. Les plus importantes sont probablement à trouver dans les nouveaux objectifs de santé pluriannuels de l’Inami, dont l’investissement dans les soins psychiatriques constitue un des sept projets phares, ainsi que dans la gratuité, depuis le 1er février de cette année des soins psychologiques de première ligne pour les enfants, adolescents et jeunes (jusqu’à 23 ans).
Il s’agit là d’avancées notables qu’on ne peut balayer d’un revers de la main. Dans une optique de prévention et de promotion de la santé, elles sont cependant loin d’être suffisantes, dans la mesure où elles sont centrées sur le traitement beaucoup plus que sur les déterminants de santé, et de nature beaucoup plus individuelle que collective et sociale.
En se focalisant sur la question de la médication, le présent numéro aborde l’aspect le plus exacerbé de ces tendances, en explorant la fragilité poreuse de la frontière entre drogues et médicaments, ainsi qu’en indiquant quelques-unes des nombreuses pistes qui permettent de traiter sans médiquer. Il ne s’agit toutefois pas seulement de remettre en question la gestion pharmacologique de troubles psychiques, mais aussi et surtout de s’interroger sur la capacité de notre société à produire du mal-être, ainsi que sur les conditions sociales et politiques d’une transformation qui soit plus collective qu’individuelle.
Pour des raisons d’ordre probablement plus économique qu’éthique, politique ou médicale, l’OMS, l’Union européenne et les autorités belges en matière de santé ont commencé à se préoccuper sérieusement des consommations excessives de médicaments psychotropes dans la population et à promouvoir d’autres outils que la seule prescription. Reste à franchir le second pas : celui de l’appréhension collective du problème, dans une logique fidèle aux principes de la promotion de la santé.
La mauvaise nouvelle, c’est que ça va mal. La bonne nouvelle, c’est qu’on en parle enfin, en tant que société, et pas uniquement dans la multiplication des face-à-face secrets entre une personne en souffrance et son thérapeute, prescripteur.ice ou non.