Le débat aujourd’hui n’est plus de savoir si le cannabis doit être légalisé. Le débat est de décider comment il sera légalisé. Le nombre de consommateurs en augmentation et la normalisation du cannabis dans l’opinion publique n’y aura pas suffi, mais l’émergence d’une industrie lucrative, dont le CBD et le cannabis thérapeutique sont de discrets pieds dans la porte, assènera le coup de grâce aux dernières résistances dans les années qui viennent.
Voilà pourquoi Prospective Jeunesse soutient la campagne de Stop1921 réclamant un cadre légal pour les Cannabis Social Clubs. Nous sommes convaincus qu’une autoproduction non lucrative, de produits de qualité, accompagnée d’une prévention, sera parmi les scénarios les plus sereins pour une légalisation du cannabis. Ce soutien a étonné, voire embarrassé, certains de nos partenaires. Puisse ce numéro éclairer nos motivations. Comme l’illustrent les expériences américaines, le risque est grand, pour le politique et pour le secteur de la santé, d’être largués par la vitesse d’organisation du secteur économique de l’industrie du cannabis.
En Belgique, le cannabis pose trop de problèmes judiciaires inutiles à des personnes dont le seul tort est de préférer cette herbe et ses effets à des produits psychotropes tout à fait légaux, et à d’autres qui en obtiennent un revenu. Mais il arrivera sur un marché économique dérégulé, dans une société de consommation, où l’éthique et la modération sont peu à l’ordre du jour. Rappelons-nous les freins à créer une culture de la boisson alcoolisée, les résistances de l’horeca sur la gratuité de l’eau, les stratégies publicitaires des alcooliers pour augmenter leur part de marché, y compris vis-à-vis des mineurs d’âge, ou leurs ingérences dans les politiques de santé.
Nous ne pouvons nous permettre ni aveuglement, ni frilosité, ni attentisme. Quelle légalisation voulons-nous ? Ce numéro n’a malheureusement pas pu aborder l’ensemble des cas de figure. Nous nous sommes concentrés sur les expériences en cours, grâce aux études de Line Beauchesne, de Michel Gandilhon, et de Grégory Lambrette. De ces analyses concentrées sur les évolutions, leurs gagnants et leurs perdants, nous avons voulu mettre en miroir l’actualité belge, par quelques chiffres mais aussi par une insertion dans la réalité de l’autoproduction et de ce qu’on appelle communément « le petit deal ». Si le cannabis est un produit économique intéressant, c’est avant tout parce qu’il a déjà de nombreuses fonctions sociales et culturelles dans notre société. Ces dernières devront garder l’attention des politiques, pour une légalisation justement cadrée.
Enfin, nous espérons que la nouvelle formule de Drogues, Santé, Prévention vous plaira ! Nous vous présentons en 4e de couverture les résultats de l’évaluation et les changements opérés, essentiellement visuels. Je suis d’autant plus heureuse de vous la présenter, qu’il s’agit de mon dernier édito. Après trois années de pilotage, mes aventures professionnelles prennent un autre chemin. Je tiens à vous remercier de votre intérêt pour le travail de Prospective Jeunesse, et à avoir une pensée chaleureuse pour l’ensemble des personnes avec qui j’ai collaboré ces dernières années. J’ai appris beaucoup et j’ai pris beaucoup de plaisir dans ce travail. J’en souhaite autant à nos lecteurs et à mon successeur à l’avenir.