Au fil d’anecdotes ayant rythmé son activité de thérapeute, Serge Minet nous indique que la relation thérapeutique est d’abord un art de la relation. C’est la confiance mutuelle qui permet de saisir le sens que représente l’outil Internet pour les personnes rencontrées en consultation. L’usage problématique d’Internet est ainsi essentiellement une pathologie de l’excès qui vient s’inscrire au cœur de la famille. La compréhension de cette dernière est bien, selon Serge Minet, la clef qui ouvre à la gestion positive des pratiques excessives.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots, et nous dire quelles étaient vos activités professionnelles (1) ?
À l’origine, j’ai une formation sociale, psychothérapeutique analytique et de comédien. C’est par le biais du travail social que j’ai rencontré les pathologies du jeu. Cela fait deux ans que j’ai été élevé à la dignité de la retraite, mais j’ai fonctionné pendant plus de vingt-cinq ans dans un service de psychiatrie à l’hôpital Brugmann, à Bruxelles, où j’ai eu l’occasion de créer la clinique du jeu pathologique « Dostoievski ». Mon travail clinique se préoccupait d’abord des personnes touchées par le problème des jeux d’argent et de hasard, devenus comportements pathologiques.
Ma découverte à l’époque, il y a 25 ans, est que la relation thérapeutique est d’abord une relation de confiance qui permet à l’autre d’oser parler de l’indicible qu’est le secret du jeu. On va retrouver ce constat par ailleurs dans les comportements excessifs concernant l’utilisation de l’ordinateur. C’est dans le cadre de la clinique du jeu que les problématiques liées à l’ordinateur et à Internet me sont arrivées.
Il y a 10-12 ans, j’ai découvert l’ordinateur comme un vieux bonhomme découvre un outil totalement inconnu et imprévisible. On avait installé un ordinateur dans mon bureau, chez moi. Il était 4 heures de l’après-midi, et j’ai commencé à voyager dans Google, en faisant ce que l’on appelle de la dropomanie. Je voyage dans le monde entier et je trouve ça génial. À un moment donné, j’ai faim. J’ouvre la porte de mon bureau, j’appelle ma femme qui faisait à manger ce soir-là, mais elle ne répond pas. Un peu plus tard je rouvre la porte en criant « On mange ? » et là, je me rends compte qu’il était 3 heures du matin.
Je me suis laissé surprendre par un écran complètement captatif. Je suis entré dans l’univers de l’écran hors de tout rapport avec la réalité, hors du temps, hors de moi, dans une espèce de mouvement qui me mettait en rupture sociale, en rupture avec tout sauf avec la sensation de faim. C’est cette sensation de faim qui m’a rappelé deux fois au principe de réalité. Cette expérience de presque 12 heures passée sur Internet m’a aidé dès le départ lors de mes rencontres avec des familles et des jeunes qui venaient pour la première fois, amenés de force à une consultation de psychiatrie dans une clinique du jeu pathologique.
« Amenés de force », c’est-à-dire qu’ils ne sont pas demandeurs, c’est la famille qui force le jeune à venir consulter ?
Certains jeunes arrivaient en disant « Je ne suis pas malade, je vais bien, je gère l’ordinateur, c’est ma mère qui ne va pas bien ». Il s’agissait souvent de familles séparées, dissociées. Et j’ai en face de moi d’une part la mère qui me parle effectivement de sa difficulté d’imposer des limites et d’autre part un jeune qui n’a aucune demande à formuler. Tout le travail thérapeutique réside peut-être justement dans la création de cette relation de confiance, que je maintiens toujours dans ma relation thérapeutique. Pour moi, la thérapie est avant tout un art de la relation.
Lorsque j’ai en face de moi le couple fils-mère, je parle toujours à la mère sans m’adresser au jeune, puis arrive le moment où le jeune en question réagit. L’image d’un de mes premiers patients, Paul (2), me revient. Il avait des cheveux longs cachant véritablement ses yeux, il était grassouillet, gonflé par les boissons énergisantes et par les chips qu’il mangeait dans sa chambre. À un moment donné, se dégageant, il me dit: « Monsieur Minet, est-ce je ne pourrais pas une fois vous parler seul? » Et à partir de là, on a créé la relation.
Ça, c’est spécifique à Internet. 24h/24h
Tout à fait. De mon temps si je voulais appeler ma petite amie, après 9 heures du soir je tombais sur ma belle-mère…
Revenons à Jacques. Je lui dis « je comprends que tu aies besoin, que tu sois angoissé, que ça te calme quand tu parles avec quelqu’un, mais je t’en supplie on va essayer quelque chose. Ton ordinateur, tu le mets où tu veux, tu mets des ficelles, tu l’attaches, tu le tiens bien, mais tu ne le mets pas en contact. Et si vraiment la nuit tu te lèves angoissé, mets ton ordinateur en marche, attends un petit peu le temps que ça vienne et ensuite tu envoies tes messages ».
Conclusion: il n’a plus jamais eu d’angoisse et il n’a plus jamais allumé son ordinateur. Il l’a gardé comme un doudou winnicottien, comme l’objet transitionnel qui le maintient et le sépare réellement du lien. Quand la connexion est faite, c’est comme s’il y avait toujours la main réelle qui était tendue pour tenir l’autre. Là il doit symboliquement véritablement se rassembler pour se remettre en communication. Ça n’a pas modifié son état psychotique, mais ça l’a aidé à gérer.
Au-delà de cette nécessité de refuge et de cette nécessité de reconstruction de la toute-puissance infantile, est-ce qu’on peut constater un fossé générationnel ?
Au fond, il y a aussi une puissance qui est le savoir qu’a le jeune sur l’outil Internet et qui lui permet pour la première fois d’informer, d’éduquer, d’apprendre à ses parents. Ce rapport au savoir et à l’autorité déplacée chez le jeune est un moment extraordinaire, mais qui est terriblement dur pour les parents et pour la famille, le père qui a l’air bête devant son fils ou la mère qui voudrait aller sur Facebook et qui ne sait pas comment elle doit faire.
Un autre constat est également frappant, je l’explique souvent aux familles. De mon temps, on était tous rassemblés devant la télévision. Aujourd’hui la télé- vision n’est plus au centre de la famille, on n’est plus ensemble pour regarder, partager, discuter, chahuter éventuellement parce que le programme ne plaît pas.
Le cinéma était aussi un lieu que j’adorais, j’allais flirter là, il y avait tout le jeu des mains qui se frôlent… La relation était d’abord une relation du toucher. Et puis est venu Internet, où je me retire dans mon antre. Je corresponds avec l’autre par l’image, je suis désincarné, je n’ai plus de corps. Ça permet ceci dit de communiquer pour des gens qui sont mal dans leur peau, et ça permet de bluffer pour des gens qui sont trop bien dans la leur. Il y a quelque chose aussi de l’ordre de l’impudeur, notamment sur Facebook.
Cela peut également induire chez des jeunes de la dépression, sans ce rapport à l’autre dans le regard, dans le toucher et la présence. L’isolement social peut déprimer quand on peut aller voir sur Internet que d’autres vivent mieux, publient de belles photos. Le système de comparaison, alors qu’il reposait sur le contact avec ses pairs, se déplace dans le monde entier.
(1) Propos recueillis par Alain Lemaitre.
(2) NDLR: Tous les noms cités dans cet article ont été modifiés.
Mais il y a aussi des aspects positifs ?
Finalement, ce qui me paraît positif c’est que c’est une possibilité importante de refuge. L’ordinateur est un outil extraordinaire qui permet par exemple à des jeunes en rupture scolaire à cause de leur haute potentialité de pouvoir garder l’exercice de cette dernière. Sept jeunes sur dix que je rencontre ont une problématique de haut potentiel. Notamment Jacques dont je parlais. Il me disait: « Heureusement que j’ai Internet, ma mère m’ennuie » et « je sais que là j’ai des responsabilités, j’ai une place sociale dans la guilde qui me donne l’occasion d’être bien. À l’école primaire je jouais déjà au Gameboy parce que j’étais à l’arrière de la classe et que l’école m’embêtait. »
C’est donc un outil fantastique, il permet une réelle pratique intellectuelle, de faire deux ou trois choses en même temps, écrire, téléphoner, penser. Tu peux ouvrir dix fenêtres en même temps. Et tu pars dans le monde entier…
Peut-on parler de « dépendance » pour le cas des usages problématiques d’Internet ?
La question se pose et elle m’est posée: « Est-ce que mon fils est addict? », « Est-ce qu’il est malade, estce qu’il y a une dépendance? » J’ai milité en tous les cas pour essayer d’éviter d’employer le mot dépendance. Je parlerai plutôt de comportement excessif ou d’une pathologie de l’excès. Mais ce qui est plus important — et c’est pour cette raison que je travaille toujours avec les familles — c’est que c’est une pathologie familiale avant tout, elle vient s’inscrire au cœur de la famille. Quand je veux aider un jeune, je veux d’abord comprendre la famille. Autre chose est, quand on va plus loin avec le jeune, de vérifier qu’il n’y a pas de troubles psychiques qui font que le jeune utilise véritablement l’outil comme une drogue. Mais j’évite de parler de dépendance. Très clairement.
Une petite histoire peut illustrer ce propos. Je reçois un jour la maman et deux enfants venus me parler du troisième. Le père est absent. « Il n’a pas le temps, me répond-on, il a une profession libérale importante. » J’insiste pour le voir, pour organiser un entretien de famille chez eux, pour rencontrer le père et le fils absents. Mais à deux conditions: Un mercredi après-midi à 16 heures, comme ça les enfants ne sont pas déscolarisés, et je veux un goû- ter, je veux qu’on mange ensemble. Le jour du rendez-vous, monsieur est venu m’accueillir à la gare. On est rentré dans sa maison, et on s’est installé autour de la table dressée avec des couverts en argent et des gâteaux. Tout le monde était là, sauf le fils. À un moment, j’ai dit « mais il n’est pas là votre fils? — Non, mais il va venir tout à l’heure. — Vous lui avez dit que je venais? — Oui, mais je ne lui ai pas dit quand parce que je veux le surprendre… » Le fils est arrivé avec son vélo, au jardin, puis est descendu dans la cave, sa mère a essayé de le faire venir, sans succès.
Mais le plus important est que le père était avec moi et on a parlé, je lui ai expliqué ce que sont Internet et mon métier, et on a mangé du bon gâteau — la petite fille avait fait une tarte aux poires délicieuse. À un moment le père a tapé sur les mains de son autre fils qui étaient sur la table. Ce dernier les a mises sous la table et tout le monde a fait la même chose. J’ai regardé alors le père, avec un clin d’œil, en disant: « Désolé monsieur, mais je ne sais pas ce que je vais faire des miennes » et lui s’est mis à rire, la mère interpellant: « Vous voyez, c’est toujours comme ça! ». Après l’entretien, j’ai pris un rendez-vous avec le père. Quand il est venu, j’ai trouvé un homme d’une fragilité extraordinaire, mais aussi avec la simplicité de pouvoir le reconnaître. C’est à partir de là que tout le travail s’est fait. Pas avec le fils, je ne l’ai amais vu, mais avec le père et la famille. C’est un exemple qui montre combien la famille, effectivement, porte et entretient véritablement l’excès du jeu.
Ce que j’entends c’est l’importance de comprendre le sens et l’usage de l’outil et l’ancrage familial qui, à travers votre expérience thérapeutique, nous donne des pistes en termes de prévention, notamment via l’objectif d’établir une relation de qualité et de confiance.
Je pense à cette petite Julie de 13 ans qui est venue à la consultation avec son père. Une jolie fille aux cheveux longs et noirs, elle ne disait pas grand-chose. Le père explique qu’elle est tout le temps sur un jeu, sans dire lequel: « L’ordinateur est dans mon bureau, quand j’entre — elle est dos à la porte — et quand je lui dis maintenant Julie ça suffit, tu arrêtes l’ordinateur, elle pique une crise de colère et casse tout dans mon bureau. »
Et on parle… Je demande à Julie « Au fond c’est quoi ton jeu? », elle me répond comme je vais vous le dire: « Ve voue sur Dofus » Dofus? Alors tout de suite j’ouvre Dofus sur Internet. Je tourne l’écran vers les parents et leur demande « Vous le saviez? — Ah non non ». Ensuite on se met d’accord simplement, « Monsieur, vous seriez d’accord dimanche prochain de prendre ½ heure avec Julie et Madame, pour qu’elle vous explique Dofus? » Je demande à Julie si elle est d’accord d’expliquer à ses parents « Oui oui ve veux bien ». Et le père me dit à ce moment-là qu’il a oublié de préciser que sa fille est malentendante.
On se fixe ensuite rendez-vous pour se voir un mois plus tard afin de faire le point sur deux ou trois petites règles convenues avec Julie: en premier lieu, changer l’ordinateur de place de façon à ce que Julie voie quand le père arrive dans le bureau sans être surprise de ne pas l’avoir entendu. Au moment où ils partent, Julie revient et me dit « Est-ce que moi je peux vous voir bientôt? » Je dis « Oui Julie vois avec tes parents on peut faire un rendez-vous à nous deux. » Elle revient une semaine après, habillée comme une petite princesse. Et là Julie me confie « Monsieur Minet, c’est terrible, quand mon père vient derrière moi je deviens folle parce que je l’ai pas entendu, et il regarde ce que je fais. Comme je ne le vois pas, je ne sais pas depuis combien de temps il est là » et elle m’explique « C’est vrai, je joue sur Dofus mais ce qui est important c’est que j’y ai un ami avec qui je corresponds. Je l’aime bien, avec lui je m’entends bien. »
Cet exemple illustre comment l’ordinateur peut véritablement être un objet de développement personnel. Julie a des problèmes de comportement parce que malentendante. On l’a d’abord mise dans une école spécialisée, mais elle n’est pas sourde et ne connaît pas le langage des signes, on l’a ensuite envoyée dans l’enseignement normal, mais là elle ne trouve pas sa place. Elle est rejetée de tous les côtés, sauf sur Internet.
Est-ce que vous pourriez définir quelque peu cette notion de comportement excessif que vous évoquiez, ou bien cela reste-t-il dépendant d’un contexte à chaque fois singulier ?
L’excès se singularise souvent par une interruption impossible de l’activité quand elle est demandée par un parent. Je pense à cette mère qui appelle son fils dix fois « Viens manger », qui reçoit cette réponse universelle « oui j’arrive », puis il n’arrive pas… Elle monte dans sa chambre et crie, jusqu’à se saisir de l’ordinateur et menacer de le jeter par la fenêtre. Le fils, qui est pourtant un gosse bien élevé, dit à sa mère « Casse toi vieille conne ». Là, la mère s’effondre. Lui également. Il m’avoue: « je n’ai jamais imaginé dire ça à ma mère, mais elle a atteint la limite. Elle a été intrusive, est rentrée dans mon univers et m’a empêché de jouer. » Donc face à l’excès, la difficulté est que seul, le jeune n’est peut-être pas capable de pouvoir gérer le temps.
La déscolarisation est aussi un facteur important. L’isolement social, la rupture avec toutes les activités extérieures sportives et autres, les copains. L’importance des relations dans le jeu et le désinté- rêt pour les autres activités. Le fait de devoir choisir, aussi, semble être beaucoup plus difficile. Mais cette liste n’est pas exhaustive. Tous ces événements-là sont à évaluer. Une grille d’évaluation est d’ailleurs disponible sur le site de la clinique du jeu (3).
Mais pour moi, le moteur principal à prendre en compte est d’abord le plaisir du jeu. Il y a un rythme de vie en décalage avec le temps parce que le jeu commence vraiment le soir. Si on veut s’amuser on joue de 8 heures du soir jusqu’à 4 ou 5 heures du matin.
Comment envisager avec les parents la question des limites ?
Ce mot revient souvent, et quand il m’est posé par des parents, je réponds tout de suite « De grâce arrêtez de mettre des limites! Arrêtez! C’est quelque chose qui se négocie! » Et là, je réinstaure ce que j’appelle le pacte familial. C’est un contrat synallagmatique, comme on dit en droit, il y a des droits et des devoirs pour les deux parties.
Revenons à l’histoire de Jacques, je lui propose: « Voilà Jacques, on va faire un contrat, de combien d’heures estimes-tu avoir besoin pour jouer? », il en était à 15 heures par jour. Je sais qu’il faut au moins trois heures de jeu pour arriver à un plaisir du jeu, il est inutile de dire au jeune qui rentre de l’école qu’il peut jouer une demi-heure, c’est ce qu’on explique aux parents. Jacques me répond: « Je veux bien essayer de ne jouer que dix heures. — Que vas-tu faire les cinq heures restantes? — Je savais, me dit-il, que tu allais me poser la question, je vais me remettre par correspondance à niveau en math pour passer mes examens. » On approchait du mois de juin. J’allais applaudir, mais je dis: « Jacques, correspondance comment? Par Internet? »
« Je savais que tu allais me le dire, malin. Non, par courrier postal, une enveloppe et un timbre. » Et il l’a fait. « Mais je joue, et je joue tous les jours dix heures. » Je me souviens qu’il m’a téléphoné peu après: « Serge, j’ai oublié de te demander, qu’est-ce que je fais le jour où je n’ai pas envie de jouer? », j’ai répondu: « Jacques, tu te fiches de moi ou quoi, si tu n’as pas envie de jouer tu joues! On a fait un contrat, tu joues, même ce jour-là! Et tu verras que le plaisir va vite revenir ». C’était une façon un peu provocatrice de réhabiliter ce qu’est un contrat. Si on s’engage, on s’engage. Envie ou pas, peu importe, tu le fais. Ce contrat a été mis en place et discuté avec la mère. C’est un pacte, si ça ne fonctionne pas on peut toujours en renégocier les clauses. Et les limites s’y intègrent. Je me positionne souvent en une sorte de notaire, je suis le tiers qui acte. Ce tiers peut être quelqu’un d’extérieur, par exemple qui fait de la prévention
Vous êtes comédien. Pouvez-vous revenir sur l’intérêt de la pratique artistique et du théâtre thérapeutique ?
C’est ce qui m’a fait entrer à Brugmann pour essayer d’aider les patients par le biais du théâtre d’improvisation. C’est une pratique par laquelle on travaille les émotions, la relation, la parole. C’est un moment où on peut oser en étant un autre, puis redevenir soi. C’est une espèce de travail psychanalytique, mais réincorporé, c’est-à-dire que le corps participe à l’analyse. C’est un travail de jeu de théâtre et un travail de verbalisation sur le jeu, soit par les acteurs eux-mêmes soit par les spect-acteurs, le groupe, qui se projette, s’identifie et qui peut aussi parler de lui.
Ce travail est génial en termes de prévention parce qu’on peut tout faire, tout est permis, sauf le passage à l’acte. Tout est terriblement structuré, si on respecte les règles du théâtre, ce qu’est la scène, ce qu’est le rituel, ce qu’est la symbolique du sacré et du profane — j’attache beaucoup d’importance à toute la symbolique théâtrale. C’est un outil qui permet aux personnes d’apprendre à se contrôler, même dans des pathologies lourdes — sauf des psychotiques délirants avec qui je ne travaille pas, ou des personnes qui sont de type psychopathique, c’est- à-dire incapable de ne pas passer à l’acte.
Le théâtre permet aussi d’organiser la structure sociale du groupe, via la solidarité qui récrée le lien social. Le théâtre thérapeutique est aussi un théâtre de développement de soi, il n’est pas uniquement thérapeutique sur le plan analytique.
Plutôt que de jouer du théâtre virtuel avec des personnages dans un jeu de rôles, la pratique artistique c’est pouvoir jouer sur scène avec des réels partenaires de jeu et peut-être aussi pour le plaisir d’un public qui vient voir et partager. Passer de l’un à l’autre permet peut-être de contribuer à nous construire et nous émanciper.