Dans son livre L’école : bonne à tout faire ?, l’enseignant Pierre Waaub dénonçait, voici quelques années, l’inflation des demandes adressées à l’institution scolaire – à qui étaient sans cesse confiées de nouvelles missions excédant son « cœur de métier », depuis l’éducation à la citoyenneté jusqu’à – ce fut évoqué jadis – l’apprentissage du permis de conduire.
Nul doute que pour une partie importante du corps enseignant, les activités de prévention et de promotion de la santé font partie de ce fardeau excessif, alourdissant inutilement leurs tâches et transformant leur métier en une version pédagogique de Rémy Bricka. Or, nombre de recherches attestent que le lien entre le travail pédagogique et celui sur le bien-être ne doit pas s’envisager sous l’angle d’un arbitrage, mais plutôt d’une complémentarité. Le travail sur les compétences psychosociales, par exemple, qui est transversal par nature, donne des résultats positifs tout autant du point de vue strictement scolaire que sur le plan de la santé, en développant des facteurs sous-jacents essentiels tels que la confiance en soi.
En outre, comme le regrette dans ce numéro, Dimitri Jamsin, le directeur de l’école Saint-Luc, « S’il y a un aspect du décret Missions où il serait nécessaire de progresser, c’est celui de l’éducation à la santé ! ». Si les plusieurs vagues de l’enquête PISA ont salutairement mis en évidence le caractère particulièrement inégalitaire de l’enseignement de la fédération Wallonie-Bruxelles sur le plan des compétences et des acquis d’apprentissage (en lecture, écriture, mathématiques et sciences), de telles comparaisons internationales n’existent malheureusement pas en termes de bien-être à l’école, de prévention et de promotion de la santé. Nul doute, hélas, que les résultats en seraient tout aussi accablants et pointeraient un cumul des inégalités de santé et des inégalités scolaires.
Les différents projets découlant du Pacte d’excellence, qui rassemblent les – nombreux – acteurs du système scolaire constituent un projet ambitieux de rénovation de l’école, offrant un espoir un peu plus partagé qu’auparavant de déboucher sur autre chose qu’une énième réforme cosmétique. Il n’est pas complètement naïf d’espérer que, cette fois-ci, les changements législatifs se manifestent également par de véritables transformations dans le réel. Ce sera notamment le cas en matière de réorganisation du calendrier scolaire, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir dans d’un prochain numéro consacré aux « temps de vie des jeunes ».
Si le processus du Pacte est déjà bien entamé, il n’est pas trop tard pour que les acteurs de la prévention et de la promotion de la santé s’en emparent plus vigoureusement dans le but de faire de l’école et des enseignants de véritables adultes-relais, acteurs de la santé de tous, et d’intégrer plus profondément le travail pédagogique et l’attention au bien-être. Le corps enseignant pourrait alors s’apercevoir que si l’école n’est certainement pas bonne à tout faire, elle fera d’autant mieux ce qu’elle se donne comme objectif premier qu’elle travaillera en complémentarité avec les différents acteurs de la promotion de la santé et s’en appropriera les principes.