Jusqu’à une époque récente, l’école avait pour mission d’accueillir des élèves dépouillés de leur histoire et de leur appartenance sociale, postulant une égalité de départ favorable à la transmission d’un savoir pour tous (Giust-Desprairies, 2010). En entrant dans la classe, l’enfant devenait un élève, déposant sa vie personnelle et ses problèmes au seuil de la porte.
L’école inclusive
L’école nouvelle, avec des pédagogues comme Freinet, a voulu au contraire accueillir les enfants dans leur historicité. Cette prise en compte s’est complexifiée au fur et à mesure que notre société s’ouvrait à la différence (nouvelles formes de parentalité, nouvelles cultures, accueil d’élèves à besoins spécifiques). À cette diversité se sont ajoutés ce que l’on appelle les nouveaux problèmes de l’école, comme la démotivation ou la violence, qui révèlent le fossé existant entre l’école et son public. La tentation est grande d’en revenir au modèle d’autrefois fondé sur le refoulement des histoires et des appartenances. Pris entre plusieurs feux, les acteurs de l’école « bricolent », agissent pour le mieux, souvent dans l’urgence, « individuellement vulnérables et institutionnellement fragilisés par une augmentation de la complexité1» , tiraillés entre le morcellement et l’uniformisation.
De la ségrégation à l’inclusion
Historiquement, les « techniciens de l’enfance anormale » prenaient place dans deux secteurs : d’une part, les hôpitaux, pour les « arriérés d’asile », et de l’autre, les maisons de corrections, pour les enfants coupables d’actes de délinquance. Entre les deux, les « arriérés d’école », jugés perfectibles, ou les indisciplinés souffrant de défauts d’éducation, dont l’école ne savait que faire, ni comment faire, pour les « normaliser »² . Longtemps, la filière « ordinaire » et la filière « spécialisée » ont symbolisé un enseignement ségrégatif, auquel a succédé à partir des années 1990 un enseignement intégratif, pour évoluer aujourd’hui vers un modèle inclusif, c’est-à-dire sans discrimination.
Un cadre intégratif implique le repérage de dysfonctionnements mettant en échec les missions de l’école, puis leur traitement ou leur élimination en dehors de ses murs. Une fois que l’élève peut prouver sa normalité, il (ré)intègre l’enseignement ordinaire. L’inclusion se fonde sur une approche autre : c’est à la structure d’accueil de prouver qu’elle a les capacités de recevoir chacun, quelle que soit sa spécificité. L’école inclusive crée une école à la mesure des enfants qui la composent, et non en modelant les élèves à la mesure de l’école³. Mais il faudrait, pour favoriser son ancrage dans la pratique, que recule l’exigence de performance ou d’excellence comme principale mesure d’un enseignement de qualité.
Le terrain à l’épreuve de l’inclusion
Vignette clinique : exclure une « pomme pourrie » de l’école
Kevin a 16 ans, il est en 3e secondaire. Depuis le début de l’année, ses résultats scolaires sont en chute libre. Il est souvent absent, ou il arrive en retard. Il reste au fond de la classe, n’a généralement pas son matériel. Il est gentil, évite les conflits. Tout glisse sur lui. Il aime bien faire rire. Il a été plusieurs fois convoqué par le PMS, mais il oublie les rendez-vous. Il n’aime pas qu’on essaie de lui trouver des solutions. Le climat familial est orageux, les parents ne sont d’aucun appui. Kevin disparaît sans prévenir, fait des fugues. Il fréquenterait une bande de jeunes extérieurs à l’école. Il lui arrive de venir en classe avec de beaux habits, ce qui inquiète l’école, imaginant un trafic ou des actes de délinquance.
1. La Giust-Desprairies F. (dir.) (2005), Analyser ses pratiques professionnelles en formation, Champigny-sur-Marne, CRPD de l’académie de Créteil, p. 19.
2. Chauvière M. (2012), « D’un contentieux historique à une culture partagée », La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation, n°57, p. 45-54.
3. Meirieu P. (2013), Pédagogie : des lieux communs aux concepts clés ; Issy-les-Moulineaux : ESF, p. 66.
Les enseignants évoquent le manque de prise sur l’élève, et sont agacés par sa façon de s’esquiver, au propre comme au figuré. S’il est présent physiquement, il se rebelle en refusant de participer, de s’intéresser, de s’inquiéter. L’essentiel de sa vie se déroule hors des murs, loin du regard des adultes. Il reste silencieux sur ses activités extrascolaires, ce qui alimente les fantasmes. Comme il est populaire, ses professeurs craignent une mauvaise influence sur le groupe. Les adultes disent qu’il se sabote lui-même et qu’il risque d’entraîner les autres dans sa chute.
Au fil des mois, le ton change. Les enseignants insistent sur sa mauvaise influence, passant du désir de protéger le jeune à celui de protéger le groupe. Le report de la responsabilité sur le jeune rend la thèse d’un renvoi plausible et légitime. Tous cependant ne sont pas d’accord sur la marche à suivre. Faut-il l’exclure ou, une fois encore, lui donner une chance ? L’école a l’impression de faire beaucoup pour cet élève et de n’avoir en retour qu’ingratitude.
Un jour, Kevin est surpris en train de fumer du cannabis devant l’école. Cet élément nouveau apporte paradoxalement de l’air à une situation qui languissait. Kevin va-t-il être renvoyé ? Le verdict serait légitime face à un geste hors-la-loi. Mais elle traduirait aussi l’impuissance et la lassitude des adultes envers un sujet réfractaire qui échappe à tout contrôle. L’honneur de l’institution étant en jeu, l’absence de geste fort et spectaculaire serait vécue comme un aveu de faiblesse. Le renvoi de Kevin permettrait selon certains de « nettoyer » l’école.
Au cours d’une réunion rassemblant un accompagnant externe sollicité pour l’occasion, quelques enseignants et la direction, des pistes de réflexion sont proposées à l’école pour favoriser l’inclusion du jeune. D’abord, il serait urgent de distinguer les alibis des bonnes raisons, de reconnaître la part de fantasme dans les représentations que se font les adultes sur la vie du jeune en dehors de l’école. Ensuite, il serait bon de découvrir comment favoriser un ancrage dans la classe, qui permette à Kevin de réussir une tâche et par conséquent de cesser d’alimenter le cercle vicieux de ses échecs. Ses airs de fanfaron révèlent un grand souci de l’image qu’il donne de lui-même à la classe, et ne sont probablement qu’une façade. Serait-il possible de lui confier une tâche dans laquelle il jouerait un rôle moteur ? L’analyse des ressentiments des adultes pourrait briser une logique d’affrontement personnel et favoriser la mise en place d’une sanction qui soit éducative, ni humiliante ni spectaculaire, déconstruisant la nécessité d’un rapport de force pour sauver la face.
L’histoire de Kevin n’a pas connu de dénouement heureux, puisqu’il a été renvoyé. Selon les arguments de l’école, l’élève s’était exclu lui-même du jeu scolaire. En refusant l’aide offerte, en refusant de donner des explications, il a laissé les acteurs de l’école seuls avec leur bonne volonté. Ce n’est pas le jeune qui a ressenti un sentiment d’abandon, mais l’école. Kevin a pris une position dominante, sans percevoir les conséquences négatives qui découlaient de son attitude.
Les enseignants auraient souhaité une symétrie dans l’investissement consenti. La question du don et du contre-don se joue en filigrane. L’absence de répondant donne de la consistance aux spéculations sur les fréquentations douteuses et le danger qu’elles représentaient. Même en l’absence de preuve, le scénario semblait plausible, selon une ramification d’idées reçues transformant peu à peu une hypothèse en certitude.
Modélisation de la dynamique exclusion/inclusion
Le modèle présenté plus bas a été élaboré à partir de différents champs confrontés à l’exclusion sociale (adolescents violents, familles maltraitantes, immigrés, handicapés, personnes âgées)4. Ces catégories présentent une caractéristique commune, celle de nous montrer en miroir notre propre vulnérabilité et, par conséquent, de susciter un sentiment de rejet ou de crainte face à ce que nous ne souhaitons pas, mais qui pourrait arriver. Le modèle est adapté à la situation d’élèves comme Kevin, aux parcours personnel et scolaire marqués par l’échec.
L’axe horizontal définit deux catégories d’élèves, les « repêchables » qui, moyennant des efforts et de l’attention, sont jugés capables de réussir. Les autres, « non-repêchables », sont considérés comme perdus pour la cause scolaire, inaptes à tirer profit de mesures mises en place à leur égard.
L’axe vertical va de la pitié à la peur, deux attitudes suscitant pour la première un regard compatissant, pour la seconde un sentiment de peur. Nous distinguons la pitié et la peur « pour » un élève, de la pitié et la peur « de » cet élève. Dans le premier cas, la responsabilité repose sur des circonstances extérieures à l’individu, aux prises avec un environnement perturbant. L’élève suscite de la sympathie. Dans le deuxième cas, la responsabilité retombe sur les épaules de l’individu lui-même, ce qui suscite un sentiment de rejet.
L’axe oblique, enfin, oriente le verdict de l’adulte à l’égard de l’élève en difficulté : est-il responsable ou non de ce qui lui arrive ? De la réponse à cette question vont dépendre une indulgence plus ou moins grande, un désir plus ou moins affirmé de « sauver » l’élève, de le laisser dans son état ou de l’éloigner. Cet axe, dynamique, peut faire bouger l’élève dans une case voisine qui le disqualifie (sanction exclusive) ou le requalifie (accompagnement inclusif).
Les axes désignent les représentations que se font les adultes à propos d’élèves dits à problèmes. Les cases désignent quant à elles les actions qui en découlent, orientées vers l’inclusion ou l’exclusion, l’accompagnement ou la sanction.
L’accompagnement inclusif implique la volonté de dépasser les situations disqualifiantes. L’élève n’est pas responsable de son état, l’école lui fournit les meilleures chances de s’ouvrir à la vie scolaire et de s’y épanouir. L’accompagnement inclusif consiste en une aide compréhensive, imaginative, en tenant compte des besoins spécifiques de la personne ou du groupe concernés. Elle ne se fonde pas sur un manque, ne vise pas à colmater les brèches, mais prend en compte la subjectivité de l’élève, le sens des objets d’apprentissage et, surtout, promeut la construction collective, la solidarité et la recherche partagée. Dans cette optique, l’élève normal est celui qui a des difficultés, c’est celui dont la réussite est l’affaire de tous, qui va à l’école « moins pour s’y intégrer que pour y grandir et déployer son humanité »5.
L’accompagnement exclusif maintient l’élève ou le groupe dans l’exclusion, mais sans l’aggraver. Elle consiste par exemple à occuper un élève de façon à ce que le reste de la classe ne soit pas dérangé, ou à créer des groupes homogènes, en dehors de l’enseignement traditionnel. Cette forme d’accompagnement est éducative et orientée vers l’apprentissage, ou alors strictement occupationnelle.
4. Grawez M., Barras C., Libion F., Doumont D. Janin J., Favresse D., (2003), Exclusion et sciences humaines. Exclusions en sciences humaines. Recherche interuniversitaire subventionnée par le Ministère de la Communauté Française ; Favresse D. (2007), « Construction d’une approche transdisciplinaire des exclusions », Les Cahiers de Prospective Jeunesse, n° 45, p. 10-15 ; Barras C. (2015), « Que faire des ‘pommes pourries’ dans une école ouverte à tous ? », in A. Manço (éd.), Pratiques pour une école inclusive : agir ensemble, Paris : L’Harmattan, p. 123-144.
5. Lapeyre M. (2005), « L’école inclusive peut-elle réussir là où l’intégration échoue ? », Reliance, n° 16, p. 341.
L’exclusion/inclusion des élèves dits à problèmes
Dans tous les cas, elle se réalise à l’écart des activités réservées au groupe majoritaire. L’élève s’y soumet, les attentes à son égard sont modestes, voire inexistantes. Mais il a son rôle, fait partie intégrante de l’établissement. Et il adhère à sa position, peut s’y sentir à l’aise.
La sanction inclusive se fonde sur la certitude que l’élève est capable d’agir, de réagir et de modifier son comportement, à partir d’un travail sur lui-même et d’un accompagnement éducatif. Il doit en résulter quelque chose de bon. Lorsqu’un élève a commis une transgression, une sanction est nécessaire, avec une portée éducative. La sanction éducative est par définition inclusive, poursuivant trois fins6 qui permettent à l’élève de faire la paix avec lui-même, avec le groupe et avec son école. La première est une fin psychologique. La sanction doit permettre au sujet d’ « élaborer » sa culpabilité, c’est-à-dire de se réconcilier avec lui-même. La deuxième fin est éthique, c’est-à-dire qu’elle promeut l’émergence de la liberté, amenant une réflexion sur ce qui s’est passé, sur sa propre responsabilité, sur le rôle joué par d’autres, ce qui participe peu à peu à la construction d’un sujet auteur de sa vie. La troisième fin est politique, permettant de réinstaurer la loi comme garante du vivre ensemble. Concrètement, la sanction inclusive s’adresse à un sujet et non à un groupe : on ne punit pas collectivement un acte commis par un seul élève sous peine d’être injuste envers des innocents. La sanction porte sur des actes et protège la personne : on ne punit pas un voleur mais un vol, on ne punit pas un tricheur mais une tricherie, parce que la personne vaut mieux que son acte. Elle est orientée vers la réintégration du jeu social en marquant un point d’arrêt. Il peut s’agir de la suspension d’un droit ou une privation, qui marquent une coupure avec la réalité, d’une réparation qui s’exerce non pas à cause d’une faute passée, mais pour préparer l’avenir.
La sanction exclusive est l’exclusion du jeune, à titre temporaire ou définitif. Elle consiste en un rejet physique hors des murs, ou de pratiques relevant de la pédagogie de la honte (les punitions humiliantes, comme le bonnet d’âne d’autrefois). Il peut s’agir d’une mesure de dernier recours ou d’une décision de commodité, l’école s’estimant inapte à démêler le lacis de problèmes auxquels certains jeunes sont confrontés et préférant en passer par l’élimination des sujets eux-mêmes pour la préservation du grand nombre. L’élève exclu est mis hors jeu. Il peut le vivre d’une façon dramatique, se révolter ou en rester abattu, ou y prendre une part active en se revendiquant de valeurs différentes. Cette catégorie fait partie, selon François Dubet, des « non-croyants » qui ne jouent pas le jeu de l’école7.
Pratiquement, l’accompagnement mené avec une équipe d’enseignants a souvent pour but d’attirer l’attention vers la sanction inclusive, dont la construction requiert du temps et de la patience, et de la détourner d’une sanction exclusive ancrée dans la tradition. Historiquement, la sanction imposée au coupable est une riposte en miroir, le voleur étant puni par une amende, l’orgueilleux par une mesure humiliante, le retardataire par une retenue. Ce type de mesure expiatoire est un héritage de la loi du Talion et, dans notre contexte, elle manque son but. Elle constitue, de la part de l’adulte, une « mise au pas et une mise en forme », voire une récupération narcissique de son emprise. Sémantiquement, la sanction évoque un monde judiciaire ou carcéral. L’école, d’ailleurs, est coutumière des doubles sens (donner une « leçon », infliger une « correction », la ou les « disciplines ») qui, pour Bernard Defrance8, « révèlent la véritable nature des procédures scolaires et l’inconscient ne s’y trompe pas… » Ce caractère coercitif reste accolé au mot « sanction », qui garde un caractère honteux et reste trop souvent « un impensé de la réflexion ».
6. Prairat E. (1999), « Penser la sanction », Revue française de pédagogie, n° 127, p. 107-117.
7. Giust-Desprairies F. (2010), « François Dubet. Sortir de l’idée de crise. Entretien avec Florence Giust-Desprairies », Nouvelle revue de psychosociologie, n° 9, p. 133.
8. Defrance B. (2013), Les sept violences de l’école, www.bernard-defrance.net/spip.php?article49.
Définir pratiquement quels sont les gestes à poser, les paroles à tenir, pour qu’une sanction soit inclusive est une gageure. La sanction est « inévitablement imparfaite », parce que l’éducateur n’est jamais assuré de toucher juste ni d’être compris. L’adulte se retrouve bien souvent face à ses fragilités, dans l’inconfort du doute. Les allers et retours entre les cases « inclusion » et « exclusion » sont autant de chances que l’on donne, ou que l’on retire à l’élève. Après la valse des essais plus ou moins fructueux, l’école passe du « bien de l’élève en difficulté » au « bien du groupe », quitte à sacrifier celui qui cause du tort à l’ensemble de la classe. L’approche change : on ne parle plus d’élève en danger, mais d’élève dangereux.
En analysant la situation de Kevin à la lumière de ce modèle, nous constatons que l’élève a glissé progressivement de la catégorie des « repêchables » à celle des élèves perdus pour l’école, l’axe oblique posant le verdict de culpabilité à cause de deux fautes qui mettent l’école en échec et blessent les enseignants dans leur identité professionnelle. La première concerne le non-respect de sa place d’élève et l’absence de compliance, la seconde le mépris apparent des efforts fournis par l’école. La sympathie éprouvée à son égard cède le pas à une rancœur qui se traduit par la volonté de protéger le groupe, ce qui projette l’élève de la « sanction inclusive » à la « sanction exclusive ». La consommation de cannabis légitime la décision et supprime le problème.
La difficulté à gérer les cas problématiques
L’image du « bon élève » qui travaille bien, a le sens de l’effort, comprend vite et réussit, reste vivace, même si ces caractéristiques s’opposent diamétralement à la représentation sévère que nous avons des adolescents, jugés incapables de se concentrer longtemps, pris dans la logique du « tout, tout de suite », imperméables aux savoirs scolaires. La crainte pour le devenir des élèves est un motif d’inquiétude, parce que l’école souffre de leur insouciance face au futur qui se joue.
Mais l’adolescence se franchit en expérimentant les transgressions. Un élève docile, soumis, est parfois plus inquiétant que le jeune qui rue dans les brancards. Les situations complexes offrent à l’enseignant une « scène pertinente pour y accomplir son identité »9, ce qui le soutient lorsqu’il est confronté à des jeunes éloignés de l’image idéale valorisée par la tradition. L’enseignant tend à reproduire ou à réparer ce qu’il a vécu en tant qu’élève, s’adressant à son public de la façon dont il aurait aimé qu’on s’adresse à lui autrefois. Si l’intention est louable, le risque de malentendu est grand et la chute peut être brutale.
Les élèves confrontés régulièrement à l’échec (de mauvais points pour un mauvais travail, selon ce que Paolo Freire appelait la « pédagogie bancaire ») finissent parfois par s’engager dans une spirale infernale qui les enferme dans l’échec. Ils se cantonnent dans ce qu’ils connaissent, l’échec, n’osant pas se risquer dans une voie autre qu’ils se sentent incapables de suivre. Pour un jeune pris dans un parcours difficile, l’identité de « racaille », de raté, devient une identité sociale préférable au fait de n’en avoir aucune. L’enseignant, qui se heurte à un mur, est pris par le même sentiment d’impuissance et se résout à exclure comme si toutes les solutions positives avaient été épuisées. Exclure, dans un contexte d’inclusion, se justifie essentiellement par des arguments « vertueux » faisant l’impasse sur une analyse de fond.
Ce qui nuit au bon fonctionnement de l’école n’est pas une mauvaise herbe à éradiquer, mais un moteur pour inciter le collectif à inventer. L’école a besoin aujourd’hui de connaître et de faire connaître des expériences parlantes d’éducation inclusive, de coéducation impliquant les familles, de voir qu’il est possible de concrétiser ses utopies pour répondre au défi majeur que pose notre société en quête de normalité, alors que la normalité n’existe pas.
9. Dejours C. et Gernet I. (2012), « Travail, subjectivité et confiance », Nouvelle revue de psychosociologie, n° 13, p. 77.