Édito – Alcool : tire ton plan !

juillet 2022

Nous aurions pu – nous aurions dû ? – intituler ce dossier « Un Plan alcool détricoté avec malice se déguste avec dégoût ». C’est en effet ce sentiment de dégoût qui prédomine à la lecture des mesurettes dont accouche un long processus d’élaboration, de consultation… et surtout de détricotage.

Les deux précédentes tentatives d’élaborer un « Plan alcool » avaient échoué : au moins les mandataires politiques avaient-ils conscience qu’une telle appellation requérait quelques avancées substantielles, sans lesquelles tout discours sonnerait creux. Les différents gouvernements impliqués dans la troisième tentative n’ont pas fait preuve de la même pudeur et présentent donc cette fois-ci un « Plan alcool », dont la pauvreté du contenu ferait rire si les enjeux de santé publique n’étaient aussi majeurs.

Il est difficile de déterminer ce qui a le plus présidé au détricotage d’une série de mesures beaucoup plus fortes et validées par les experts : les liens incestueux entre certains partis et le lobby alcoolier ou bien l’absence complète de courage politique – et la tétanie qui saisit de nombreux mandataires au moment de s’attaquer à un produit à ce point associé à la fête et à la convivialité ?

Il semble – hélas – nécessaire de rappeler un chiffre accablant sur lequel devrait se baser toute politique de santé publique relative à la régulation et à la tarification en matière d’alcool : 80% de l’alcool consommé en Belgique l’est par 20% des consommateurs, au détriment de leur bien-être physique et mental, de celui de leur entourage, et de leur espérance de vie. Cette consommation-là n’est ni festive, ni conviviale ; ce savoir-faire-là ne se déguste pas avec sa sagesse ! Et ce n’est pas l’interdiction de la vente de boissons alcoolisées dans les stations-services entre 22h et 7h du matin qui aidera à la prévenir !

Une fois de plus, les grands prêtres de la rationalité économique ont décidé de fermer les yeux sur les coûts non seulement sociaux, mais directement budgétaires, des consommations problématiques d’alcool, et de prendre en matière de prévention de l’alcoolodépendance des mesures qui sont non seulement scandaleuses en matière de santé publique, mais aussi parfaitement irrationnelles sur le plan froidement budgétaire. Qui le veut pourra même s’amuser du fait que dans la communication consacrée au Plan alcool sur le site du ministre Vandenbroucke, celui-ci confonde les millions et les milliards dans le chiffrement du coût de ces dégâts. Après tout, quand on a décidé de ne pas s’attaquer à un problème, peu importe qu’il soit mille fois plus grand ou plus petit…

Et si ce sont la colère et le dégoût qui dominent aujourd’hui, c’est aussi que les organisations de terrain savent que ce seront une fois de plus à elles que reviendra la tâche d’éponger les conséquences concrètes et hautement évitables du manque de courage politique.