Édito : Faut-il faire l’éloge de l’affreux Jojo ?

octobre 2018

Françoise Dolto mettait en garde : l’enfant pour lequel il faut s’inquiéter, ce n’est pas tant « l’affreux Jojo » que le parfait enfant sage. Si le premier outrepasse les limites et désobéit avec un certain culot, c’est parce qu’il a bien compris comment prendre sa place, et est prêt à payer les conséquences d’une affirmation de soi. En route vers l’autonomie. En revanche, la recherche d’une approbation sociale constante est synonyme de fragilités. Gare à l’échec et à la désillusion.

Dans son dernier rapport sur les consommations de psychotropes chez les 12-17 ans (Tendances, n°122, décembre 2017), l’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies écrit un constat similaire à propos des jeunes qui n’expérimentent pas l’alcool ou le cannabis. À côté d’ados persuadés de l’intérêt de résister aux tentations, l’OFDT relève des profils définis par des aptitudes sociales restreintes, un passé familial entaché de consommation problématique, la motivation d’éviter toute douleur et tout risque, ou encore une faible estime de soi. De quoi laisser songeur quant à l’abstinence.

Mais que signifie « sortir du cadre » ? Quand désobéir se justifie-t-il ? Et que consacre cette insoumission ? Ce numéro vous emmène à un procès pour prescription de méthadone, à une manifestation spontanée d’adolescents en shorts, dans les recoins d’une salle de consommation à moindre risque, d’un cannabis social club et à la fête de famille où l’ado boit sa première coupe. Bref, nous vous proposons des témoignages où la désobéissance se fait – consciemment ou non – politique.

Défier l’autorité sert aussi à se définir soi-même, par rapport aux hiérarchies instituées. Sylvie Ayral et Yves Raibaud décortiquent comment les conditionnements de notre société patriarcale poussent les garçons à s’imposer à l’école par la transgression. La marginalité assumée caractérise les jeunes zonards. Tristana Pimor les a croqués avec finesse et bienveillance dans sa recherche « Zonards. Une famille de rue », dont nous avons résumé quelques enseignements.

Enfin, ce numéro innove. Pour évoquer la salle de consommation à moindre risque, nous avons décidé de faire appel à un urban sketcher, Chris Damaskis. Ses dessins permettent d’appréhender visuellement cette réalité encore méconnue. Désireux de donner régulièrement une tribune aux usagers de drogues eux-mêmes, nous ouvrons ce numéro par la retranscription d’une chanson composée par un jeune squatteur.

Bonne découverte !