Édito: Jamais deux sans trois

juillet 2018

En pleine préparation de ce numéro, j’ai assisté à une discussion visant à refaire le monde. L’objectif peinant à être atteint, les dissensions apparaissant entre les participants, ces derniers ont résolu le désaccord par une conclusion dont la pertinence réelle n’a d’égale que  la redoutable banalité : « De toute façon, l’important, c’est l’éducation, l’information, l’esprit critique ». Face à la malbouffe, face à la délinquance, face à la pub et à l’hyperconsommation, face aux rapports sexuels non désirés, face au chômage, cette opinion est la carte joker par excellence, celle qui réconcilie toutes les divergences sur la gestion des problèmes. Agir en amont est une des idées les plus consensuelles de notre société.

Le secteur de la Promotion de la santé et sa philosophie incarnent cette idée : agir sur les facteurs déterminants de la santé, outiller et responsabiliser individuellement et collectivement, encourager à décoder le monde, à faire des choix, à exercer et à défendre des droits, pour lutter contre les inégalités sociales, contre leurs causes, contre leurs racines.

Et pourtant, foin de flots de subsides, mais un avenir incertain. En témoignent nos publications : Prospective Jeunesse réalise son troisième numéro en sept ans sur le devenir de la Promotion de la santé. Nous consacrions à l’hiver 2011 un numéro à la réforme (finalement avortée) de ce secteur, un suivant à l’annonce de la VIe réforme de l’Etat, en 2014, et nous remettons aujourd’hui le sujet sur la table, alors que Bruxelles et la Wallonie avancent vers l’aboutissement de ces réformes. L’histoire de la PS, comme la surnomment les habitués, n’est pas celle d’un un long fleuve tranquille. À chaque numéro, nous parlons de besoin de stabilité, de financement, d’approches à répandre.

Si nous saisissons ces moments charnières comme des opportunités d’engager le débat sur le rôle et les priorités de la Promotion de la santé, c’est parce que les évolutions autant que les stagnations du secteur sont des informations d’importance. Elles questionnent nos propres stratégies et priorités, mais aussi nous rappelle le contexte dans lequel la Promotion de la santé se déploie. Ces deux axes de réflexion traversent les différentes contributions à ce numéro. Nous investissons d’abord le terrain local. Par la voix des porte-parole des fédérations wallonne et bruxelloise, le regard méthodologique de l’Ecole de Santé publique et les enseignements des stratégies de politique publique et de celle des producteurs d’alcool, se dessinent les attentes politiques du secteur, ses défis et ses priorités. Ensuite, nous avons voulu nous concentrer sur l’historicité de la Promotion de la santé et sur les (f)acteurs avec lesquels elle doit composer. Nous tenions à inclure dans nos réflexions cet autre informateur puissant qu’est la presse écrite, conditionnant, on le sait, nos propres représentations et, par là, nos choix de solutions publiques. Enfin, les inégalités sociales de santé étant la cible du secteur, nous nous sommes intéressés plus spécifiquement à leurs interactions avec les usages de drogues à risque.